Cet architecte syrien de 42 ans supervise les travaux d'une soixantaine d'hommes attelés à cicatriser les traces visibles, certaines gravées dans la pierre, d'une des batailles les plus violentes de la guerre en Syrie, qui entre le 15 mars dans sa neuvième année.
Dans cette ancienne place forte des rebelles, reprise par le régime de Bachar al-Assad fin 2016 au terme de quatre ans de combats dévastateurs, les ouvriers vêtus de gilets et de casques déblaient les gravats et bouchent les trous béants avec des petites briques de grès rouge.
Ces travaux s'inscrivent dans le cadre d'un vaste plan de rénovation financé par la Fondation Aga Khan pour la Culture en vertu d'un accord avec les autorités syriennes.
Situé dans les dédales de la deuxième ville du pays, ce marché date de l'époque ottomane. Et certains souks adjacents de l'Antiquité.
Avant de subir les ravages de la guerre, il couvrait une superficie de plus de 1.500 mètres carrés et abritait plus de 50 échoppes.
Classée l'an dernier au patrimoine mondial en péril de l'Unesco, la vieille ville d'Alep où se trouve ce marché a été l'une des lignes de fronts les plus meurtrières du conflit.
Les vieux souks n'ont pas été épargnés, toute comme d'autres vestiges historiques: la muraille de la citadelle d'Alep, un joyau architectural de l'époque médiévale, a été endommagée par une explosion en 2015 et le minaret de la célèbre mosquée des Omeyyades datant du XIe siècle, a été réduit en cendres en 2013.
Selon Bassel al-Daher, l'un des six architectes chargé des travaux de réhabilitation, le marché de Saqtiya est endommagé à hauteur de 30%.
"Projet de ma vie"
Amorcés début novembre, les travaux visent à effacer toutes les "traces de la guerre" et à corriger les imperfections liées aux anciennes constructions, explique l'architecte.
"Mais le but principal reste le retour des marchands dans leurs magasins", dit-il.
Pour lui, la restauration, qui s'achève fin juillet en principe, n'est pas "commerciale" mais vise à "réécrire l'histoire". "C'est le projet de ma vie", confie-t-il.
Le marché de Saqtiya est l'un des 37 souks entourant la citadelle d'Alep, dans le nord de la Syrie.
Certains "remontent à 300 ans avant Jésus-Christ", indique Alaa al-Sayyed, historien spécialisé dans la vieille ville d'Alep et membre de l'équipe de supervision des travaux.
"Ce sont les marchés couverts les plus étendus et les plus anciens du monde", ajoute-t-il.
Composés initialement de centaines de magasins, d'écoles, de mosquées et de hammams, ces vastes espaces publics, étalés sur environ 160.000 mètres carrés, constituent un univers à part.
Et ce n'est pas la première fois qu'ils sont endommagés puis rénovés. Selon M. Sayyed, Alep et ses marchés ont été frappés par de nombreux tremblements de terre et conquis par plusieurs armées étrangères au fil de l'histoire.
Retour des commerçants
Vêtu d'un gilet et d'un casque blancs, Diyaa al-Issa supervise la rénovation d'un des portails de Saqtiya.
Avant le conflit, ce trentenaire prenait déjà soin du patrimoine de la métropole.
"Les travaux en cours ne ressemblent en rien à ceux d'avant", dit-il. Dans le passé, "nous traitions des pierres affectées par l'humidité, le vent et le climat, alors qu'aujourd'hui, nous traitons des pierres carbonisées et endommagées par des éclats d'obus et reconstruisons des dômes détruits".
La rénovation du marché de Saqtiya constituera, selon lui, un modèle à suivre pour d'éventuels projets similaires dans d'autres souks endommagés d'Alep.
Elle se fera dans le respect du caractère rustique du souk et avec le "moins de gaspillage possible de pierres et de bois" originels, assure M. Issa.
La guerre a dévasté la Syrie, détruisant des infrastructures, des villes et des sites historiques. Le régime a lancé des travaux de restauration de sites historiques classés comme la forteresse du Crac des Chevaliers (ouest) et la cité antique de Palmyre (est), détruite en partie par les jihadistes.
A Alep, Mohammed Baqiya, explique que la restauration ne vise pas seulement l'aspect physique du vieux marché.
"La pierre sera certes restaurée" mais "encore plus important est le retour des commerçants et des gens qui donnaient vie" à ce lieu, affirme ce Syrien de 47 ans.
"La beauté du souk importe peu s'il reste vide".
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