"Tous les moyens sont bons à la fois pour les clubs pour avoir un joueur, et pour les joueurs qui s'entourent de ces pseudo conseillers. Comme personne ne dit rien, les instances ne font pas grand-chose", peste Stéphane Canard, président de l'Union des agents sportifs français. "Pour nous, il y a les agents d'un côté, et de l'autre les usurpateurs et les imposteurs", lance-t-il à l'AFP.
Ces dernières semaines, c'est la disparition tragique de l'Argentin Emiliano Sala qui a remis le sujet sur le devant de la scène. Autour de son transfert de Nantes vers Cardiff, pour 17 millions d'euros, au moins six noms d'intermédiaires ont été mentionnés dans la presse, dont deux sans véritable autorisation d'exercer.
En première ligne, Willie McKay, qui s'est exprimé dans le journal L'Equipe sur le décès de l'attaquant, disparu lors du crash de l'avion qui l'emmenait vers son futur club. McKay n'est pourtant plus enregistré auprès de la Fédération anglaise (FA) depuis 2015 et la faillite de sa société. Mais il collabore avec son fils Mark, qui figure bien sur la liste des intermédiaires reconnus par la FA.
A Cardiff, on travaille d'ailleurs souvent en famille. Le club gallois, entraîné par Neil Warnock, a eu recours plusieurs fois aux services du fils du coach, l'agent James Warnock et sa société Unique Sports Management. La Fédération anglaise a indiqué ces derniers jours surveiller la situation, alors que plusieurs agents se sont plaint d'un possible conflit d'intérêts.
"Clubs complices"
Au sujet d'Emiliano Sala, seul le Français Meissa Ndiaye était son agent officiel depuis plusieurs années, comme l'ont confirmé à l'AFP l'intéressé et la Fédération française (FFF).
La France fait en effet figure d'exception depuis la décision de la Fifa de supprimer la licence d'agent en 2015. Les instances du foot français ont maintenu leur propre système de licence, avec un examen d'entrée réputé difficile, et renforcé les contrôles.
Mais même dans le cas français, les dérives se multiplient, avec des collaborations parfois troubles entre intermédiaires non officiels et agents FFF. "J'ai vu des dossiers où un agent étranger sans autorisation récupère les 10% (la commission maximum sur un transfert de joueur) via un agent français et prend encore 300.000 euros via un contrat de +scouting+ (repérage de joueur), qui n'était qu'un prétexte", raconte à l'AFP un agent sous couvert d'anonymat.
La DNCG, le gendarme financier du foot français, est bien chargée de surveiller l'activité des agents depuis 2017, mais "ils ne peuvent pas contrôler les avocats ni les agents étrangers", souligne cette source, selon laquelle "les clubs sont complices et la DNCG ne fait rien".
"Les présidents de clubs jurent plus blanc que blanc mais, pour avoir un joueur, ils sont prêts à passer par n'importe quel intermédiaire", abonde l'universitaire Stanislas Frenkiel, auteur d'une "Histoire des agents sportifs" (Editions CIES). "Il y a les agents, les avocats, mais aussi cinq fois plus d'intermédiaires sportifs en tout genre, familles de joueurs, conseillers, et même journalistes ou présidents de clubs, tout le monde cherche à gratter", affirme-t-il à l'AFP.
"Complexité factuelle"
En 2017, la Fédération française a effectué un signalement au Procureur de la République pour des soupçons d'exercice illégal de la profession d'agent lors du transfert de la pépite Ousmane Dembélé (aujourd'hui au FC Barcelone) de Rennes à Dortmund. La commission fédérale des agents s'interrogeait sur le rôle exact de Moussa Sissoko (homonyme du joueur), qui ne dispose pas de la licence FFF mais qui est enregistré en Angleterre en tant qu'intermédiaire.
L'enquête est toujours en cours, indique le parquet de Rennes à l'AFP, en soulignant "la complexité factuelle du dossier".
Car Moussa Sissoko travaillait en lien avec un agent sous licence FFF Laurent Schmitt, une pratique courante. "Je ne peux pas en parler parce qu'il y a une instruction" en cours, indique ce dernier à l'AFP. "Je pense tout simplement qu'il y a eu beaucoup de bruit sur ce transfert uniquement parce qu'il y a des agents qui ont été éconduits à un moment donné par le joueur et uniquement ça".
Outre ces dossiers complexes, existent aussi de simples arnaques, notamment sur les réseaux sociaux. La FIFPro, le syndicat mondial des joueurs, a récemment pointé du doigt les pratiques d'un dénommé Steve Mac Hughes, qui garantissait à des jeunes joueurs des essais ou des contrats en Grande-Bretagne ou en Asie contre rémunération. "Aucun des joueurs n'a parlé ou vu la personne, toutes les communications sont passées par LinkedIn et Whatsapp. Après avoir envoyé l'argent via un compte Western Union, la personne a rompu tout contact".
Face à l'ensemble de ces dérives, la Fifa "travaille à la réforme du statut d'agent" et l'éventuelle réintroduction de sa licence à l'horizon 2020/2021.
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