"Je ne vois pas de quoi je suis coupable", avait déclaré le cardinal Philippe Barbarin à Lyon (centre-est) lors d'un procès très attendu, notamment par les catholiques victimes qui espèrent avoir ouvert "une nouvelle ère" au sein de l'Eglise, tandis qu'un sommet inédit sur la pédophilie vient de se tenir au Vatican.
En France en 2001 et en 2018, deux évêques ont déjà été condamnés dans des affaires similaires.
A l'issue du procès, la procureure Charlotte Trabut n'avait pas requis de peine à l'encontre de Philippe Barbarin, ni des cinq anciens membres du diocèse poursuivis avec lui, tout en assurant de son impartialité: "Le ministère public ne s'oppose pas aux parties civiles, pas plus qu'il ne soutient mordicus les prévenus".
Une position délicate à tenir après les témoignages, crus et poignants, livrés à la barre par d'anciens scouts à l'origine de l'affaire. Mais une position conforme à celle du parquet, qui avait classé sans suite une première enquête en 2016.
Soutenus par l'association de victimes "La Parole libérée", neuf hommes avaient d'abord accusé le père Bernard Preynat d'avoir abusé d'eux - des faits pour lesquels ce dernier n'a pas encore été jugé - avant de porter plainte contre ceux qui n'ont rien dit des agissements du prêtre. Faute de poursuites, ils ont lancé en 2017 une procédure de citation directe devant le tribunal, qui leur garantissait un procès.
Intentionnalité ?
"Je n'ai jamais cherché à cacher, encore moins à couvrir ces faits horribles", a assuré au tribunal le cardinal, âgé de 68 ans, expliquant n'avoir appris les agressions reprochées au père Preynat qu'en 2014, quand une victime se confia à lui. Pour ses accusateurs cependant, le cardinal était au courant depuis 2010 au moins, date à laquelle il s'est entretenu avec le prêtre sur les "rumeurs" qui couraient à son sujet.
En savait-il assez, à l'époque, pour le dénoncer ? L'archevêque a soutenu que non, ses accusateurs sont convaincus du contraire. La procureure a de son côté fait valoir la prescription.
"L'intentionnalité" de la "non-dénonciation d'agressions sexuelles sur mineurs de 15 ans", rangée par le Code pénal parmi les délits d'entrave à la justice, ne serait de plus pas établie.
Aux yeux des plaignants, elle est pourtant manifeste dans un échange de mails survenu en 2015 entre Mgr Barbarin et le Vatican, qui lui conseilla d'écarter le prêtre incriminé "tout en évitant le scandale public": consigne suivie à la lettre par le cardinal, de son propre aveu.
La défense a pour sa part plaidé la relaxe tout en se disant bouleversée par la douleur des victimes. "Mais la douleur n'est pas le droit", a tonné Me Jean-Félix Luciani, avocat de Mgr Barbarin.
Le jugement est très attendu, depuis trois ans que dure cette affaire retentissante, portée à l'écran par le cinéaste français François Ozon, et après deux mois de délibéré.
Quelle que soit l'issue, les plaignants affirmaient en janvier attendre de ce procès "le début d'une nouvelle ère".
En marge de l'audience, l'évêque auxiliaire de Lyon, Mgr Emmanuel Gobilliard, les avait remerciés "d'avoir secoué l'Église".
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