Une nouvelle fois les combattants kurdes et arabes des Forces démocratiques syriennes ont dû ralentir dimanche leurs opérations sur le terrain, après avoir repris vendredi l'offensive contre l'ultime poche de l'EI dans le village de Baghouz.
Car des milliers de personnes, des femmes et des enfants, mais aussi de nombreux blessés ont abandonné ces derniers jours le dernier réduit où sont acculés les combattants jusqu'au-boutistes de l'EI, dans la province orientale de Deir Ezzor.
Pour la seule journée de mardi, environ 3.500 personnes, dont 500 jihadistes ayant capitulé, ont été évacuées à bord de gros camions vers une position des FDS à proximité de Baghouz, selon un porte-parole des forces anti-EI, Mustafa Bali.
En attendant, les combats piétinent.
Sur le toit d'un immeuble de Baghouz, où sont positionnés des combattants des FDS, un nuage de fumée flotte mercredi sur le réduit jihadiste, composé de quelques pâtés de maisons accolés à un campement informel, a constaté une journaliste de l'AFP.
Les avions de la coalition internationale emmenée par Washington ne quittent pas le ciel, selon la même source, mais ils ne mènent pas de raids.
Entre la position des FDS et le campement, on voit des dizaines de carcasses de voitures carbonisées gisant sur des terrains agricoles déserts. Dans le campement, on voit des hommes courant entre les tentes.
Ceux sortis mardi de Baghouz, venus notamment de France, de Belgique ou de Finlande, assurent que plusieurs milliers de personnes se trouveraient encore dans le bastion jihadiste.
"Traumatisme"
Sur les plaines près de Baghouz, un océan de femmes en niqab noir faisaient la queue mardi pour être fouillées, ont pu constater les équipes de l'AFP.
Après leur inspection, plusieurs d'entre elles s'installent sur des couvertures à même le sol, serrant dans leurs bras leurs bébés parfois en pleurs, au milieu de bouteilles d'eau, de pain et de couches qu'elles viennent de recevoir.
Il y a aussi des hommes, allongés sur des brancards ou perchés sur des béquilles, un bandage autour du crâne, à la cheville ou sur le pied.
"Il y a encore beaucoup de personnes", lâche une Belge de 24 ans, qui a grandi en France à Roubaix et se présente sous le prénom de Safia.
Son mari, un Français, est encore là-bas. Elle veut juste "se reposer et bien réfléchir", poursuit la jeune femme, après être "sortie d'un traumatisme".
Après une montée en puissance fulgurante en 2014, l'EI avait proclamé en juin de la même année un "califat" sur des pans entiers de la Syrie et de l'Irak voisin.
Des milliers d'étrangers, dont des Européens, l'avaient alors rejoint. Mais face à plusieurs offensives ces deux dernières années, les jihadistes ont vu leur territoire se réduire comme peau de chagrin.
Plus de 57.000 personnes, principalement des familles de jihadistes, ont déjà quitté l'ultime réduit depuis début décembre, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Parmi elles, plus de 6.000 jihadistes qui ont été arrêtés, d'après cette source.
"Besoins urgents"
Les civils évacués, dont les épouses et les enfants de jihadistes étrangers, sont transférés vers des camps de déplacés du nord-est syrien. Notamment celui d'Al-Hol, où des dizaines de milliers de personnes s'entassent dans des conditions difficiles, dénoncées par des ONG.
"Les besoins les plus urgents restent les abris", mais aussi apporter une assistance médicale "physique et psychologique", "particulièrement aux groupes vulnérables, comme les femmes enceintes, les enfants et les personnes âgées", soulignait lundi le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) de l'ONU en Syrie.
"Le suivi des nombreux cas d'enfants non-accompagnés et séparés (de leur famille) reste une priorité", ajoutait l'agence.
Si l'EI perd sa dernière poche de Baghouz, cela signerait la fin territoriale du "califat" en Syrie, après sa défaite en Irak en 2017.
Mais le groupe a déjà entamé sa mue en organisation clandestine. Il a toujours des combattants disséminés dans le vaste désert du centre syrien, et ses cellules dormantes mènent toujours des attentats meurtriers dans les territoires perdus.
La bataille contre l'EI représente aujourd'hui le principal front de la guerre en Syrie qui a fait plus de 360.000 morts depuis 2011, au moment où le régime, soutenu par la Russie et l'Iran, a repris le contrôle de près des deux-tiers du pays.
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