"Il y a 130 personnes devant, tout est bloqué et personne ne rentre, la police, le personnel de direction, seule une infirmière a pu entrer", a déclaré à l'AFP Emmanuel Guimaraes, délégué national FO, devant l'entrée de la prison de Condé.
"C'est un mouvement illimité. L'émotion est très forte car ça faisait longtemps qu'on disait que ça allait arriver", a-t-il ajouté.
Au total, en début de matinée, 18 prisons étaient bloquées par des surveillants, selon l'administration pénitentiaire, tandis que d'autres actions, comme des débrayages ponctuels ou des blocages partiels (accès restreint au parloir), ont eu lieu.
Mardi, après l'agression des deux surveillants avec des couteaux en céramique, Michaël Chiolo, 27 ans, qui purgeait une peine de trente ans et s'est radicalisé en prison, s'était retranché avec sa compagne pendant près de dix heures dans l'unité de vie familiale (uvf) de la prison.
Après de vaines tentatives de négociations, le RAID avait lancé l'assaut vers 18h40, conduisant à l'interpellation du détenu et au décès de sa compagne par balles.
Le procureur de la République de Paris Rémy Heitz a expliqué que le détenu, qui a crié "Allah Akbar" au moment de se jeter sur les deux surveillants, a affirmé vouloir "venger" Chérif Chekatt, l'auteur de l'attentat du marché de Noël de Strasbourg de décembre. L'attaque a été qualifiée de "terroriste" par la ministre de la Justice Nicole Belloubet.
Si les jours des deux surveillants blessés ne sont pas en danger, les deux hommes, l'un blessé au thorax et l'autre au visage, ont été hospitalisés et ont subi une opération au bloc, selon des sources syndicales.
Dès 06H00 mercredi, plusieurs membres du personnel de la prison de Condé, l'une des plus sécurisées et des plus modernes de France, ont brûlé des palettes et des pneus, a constaté une journaliste de l'AFP.
"On va revivre ce qui s'est passé l'année dernière", a promis M. Guimaraes, en allusion au très important mouvement social qui avait touché les prisons après l'agression de trois surveillants par un islamiste à Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais) en janvier 2018.
Revalorisations
Devant Fleury-Mérogis (Essonne), la plus grande prison d'Europe, dont l'accès est barré par des militants de syndicats pénitentiaires, environ 200 personnes étaient bloquées mercredi matin. "Les collègues veulent aller bosser mais on ne les laisse pas, on ne les envoie pas dans un mouroir", a déclaré à l'AFP Thibault Capelle, délégué local FO-Pénitentiaire.
Dans les Hauts-de-France, six prisons étaient également "bloquées", selon des modalités différentes en fonction des établissements (service minimum, accès restreint au personnel médical, parloirs et unités de vie familiale bloqués, prises de poste retardées...), selon Julien Martin, représentant régional FO.
Un procès à la cour d'assises de Laon (Aisne) ne pourra pas se tenir, l'extraction judiciaire d'un accusé ayant été empêchée par le personnel pénitentiaire, a rapporté la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Lille.
En Corse, le mouvement est également suivi dans les trois prisons de l'île, comme à Borgo.
"Le directeur est sorti avec la liste de ceux qui devaient travailler et les a sommés de rentrer, ce qu'ils ont fait", a indiqué à l'AFP Stéphane Canuti, responsable du syndicat FO pénitentiaire à Borgo. "Ce n'est plus possible, on veut éviter que quelqu'un se fasse tuer mais au gouvernement, ils s'en moquent", a-t-il regretté, annonçant que la mobilisation se poursuivrait jeudi, vendredi, "tous les jours".
Selon Yoan Karar, secrétaire général adjoint Force Ouvrière, majoritaire, "il y a à peu près 80% des établissements mobilisés". "Les revendications portent sur la sécurité et les salaires. Il faut une revalorisation salariale car la grosse problématique, c'est qu'on n'arrive pas à recruter. Le problème, c'est que le métier n'est pas attractif", a-t-il estimé.
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