Après l'évacuation de milliers de civils ces derniers jours, les Forces démocratiques syriennes (FDS) sont reparties vendredi à l'offensive contre les combattants de l'EI, retranchés dans une poche du village de Baghouz, dans la province de Deir Ezzor, aux confins orientaux de la Syrie.
Après avoir reconquis l'immense majorité du village, les combattants kurdes et arabes ont acculé les jihadistes dans ce réduit, où la coalition internationale emmenée par Washington a repris ses raids aériens, selon des équipes de l'AFP sur place.
A environ 400 mètres de la ligne de front, un journaliste de l'AFP pouvait entendre sans interruption les tirs d'artillerie et le crépitement des armes. Des nuages de fumée noire et grise, provoqués par les frappes, flottent au dessus du secteur visé, composé de quelques pâtés de maisons accolées à un campement informel près du fleuve de l'Euphrate.
Après une frappe, un dépôt de munitions souterrain a explosé, provoquant des déflagrations comme un feu d'artifice. Une partie du campement informel a été détruite, mais plusieurs tentes tiennent encore debout.
Sur le toit d'un immeuble près du théâtre des opérations, un commandant des FDS explique à l'AFP que la majeure partie du camp a été débarrassée de l'EI.
"Il y a des tunnels souterrains. On ne sait pas combien de membres de l'EI sont toujours dedans. Ils sont totalement assiégés. Ils ont enfoui beaucoup de mines dans les maisons et sur les routes", assure ce commandant sur le terrain.
"Kamikazes, voitures piégées"
Après une montée en puissance fulgurante en 2014, l'EI avait proclamé en juin 2014 un "califat" sur les vastes régions et les grandes villes conquises en Syrie et en Irak voisin, où l'organisation ultraradicale, responsable d'attentats sanglants dans ces deux pays et à l'étranger, a mené de multiples exactions.
Face à de multiples offensives ces deux dernières années, les jihadistes ont vu leur territoire se réduire comme peau de chagrin.
Dans le secteur de Baghouz, les opérations des FDS se poursuivent même de nuit. Sur le toit d'un immeuble, un commandant des FDS Rustam Hassaké reçoit dans la nuit de samedi à dimanche par talkie-walkie des informations sur une position de l'EI à un kilomètre de là.
Il transmet les coordonnés GPS identifiés sur sa tablette, avant de réclamer une frappe aérienne. Appelé à la rescousse, un avion américain de la coalition apparaît dans le ciel.
Un peu plus tard, le commandant Hassaké lève les yeux de sa tablette. "Daech position, c'est fini", lance-t-il en souriant, utilisant l'acronyme en arabe de l'EI.
"Depuis la reprise des combats, on a réussi à prendre 13, 14 positions", explique le commandant. "On entend leurs communications, leurs échanges radios. On les entend notamment s'exprimer en russe".
Les jihadistes "emploient beaucoup de kamikazes", notamment des femmes, assure-t-il encore. "On est face à un ennemi qui mène des attaques contre nous à la voiture piégée, à la moto piégée, au vélo piégé".
Plusieurs familles de jihadistes français en contact avec le journaliste de l'AFP assurent que des femmes et des enfants se trouveraient encore dans le réduit de l'EI.
Possible "résurgence"
Au total depuis début décembre, quelque 53.000 personnes, principalement des familles de jihadistes, ont fui le réduit, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Parmi eux plus de 5.000 jihadistes qui ont été arrêtés.
La grande majorité des évacués sont transférés vers le camp de déplacés d'Al-Hol, plus au nord, où elles s'entassent dans des conditions difficiles.
Une perte de la poche de Baghouz signifierait la fin territoriale du "califat" de l'EI après sa défaite en Irak en 2017, mais ce groupe a toutefois déjà entamé sa mue en organisation clandestine.
Ses combattants sont disséminés dans le désert syrien (centre) et parviennent toujours à mener des attentats meurtriers.
L'armée américaine a averti que, sans un engagement soutenu contre l'EI, il ne faudrait à l'organisation que six à 12 mois pour entamer une "résurgence".
La bataille contre l'EI représente aujourd'hui le principal front de la guerre en Syrie qui a fait plus de 360.000 morts depuis 2011, après que le régime, soutenu principalement par la Russie, a repris le contrôle de près des deux tiers du pays.
Sur un autre front, 21 combattants prorégime ont été tués par des jihadistes liés à Al-Qaïda près de la province d'Idleb (nord-ouest), selon l'OSDH.
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