Mercredi soir, La Haye a annoncé avoir achevé son opération de rachat de parts d'Air-France KLM et en détenir 14%, soit presque autant que la France (14,3%), dans le but de contrer l'influence de Paris dans le groupe franco-néerlandais de transport aérien.
Cela faisait plusieurs années que les Pays-Bas réfléchissaient à entrer au capital d'Air France-KLM en raison d'importants doutes sur la stratégie du groupe, a expliqué M. Hoekstra, en rendant public le raid boursier néerlandais mardi.
"La position de KLM s'est sans cesse érodée ces derniers mois", a-t-il déploré. La Haye a "désormais le pouvoir de vote" et sera "un actionnaire actif mais pas un actionnaire activiste (préoccupé seulement de faire grimper le cours de l'action)".
La Haye craint qu'à terme, une grande partie des vols de KLM ne soit transférée à Paris, ce qui ferait perdre à l'aéroport de Schiphol sa fonction de hub, selon la ministre de l'Infrastructure néerlandaise, Cora van Nieuwenhuizen.
L'annonce a fait l'effet d'une douche froide à Paris, Bercy évoquant une décision "inamicale" et des méthodes de "trader". Le président Emmanuel Macron a demandé aux Pays-Bas de "clarifier leurs intentions".
Jeudi, M. Le Maire a exhorté les Néerlandais à "trouver une porte de sortie" et qualifié l'opération d'"incompréhensible". Elle "détruit de la valeur", a-t-il noté, alors que le titre Air France-KLM s'est effondré mercredi de 11,74% et a encore perdu 3,38% jeudi à 10,85 euros.
Le blitz boursier est intervenu au terme d'un bras de fer autour de la reconduction du mandat du patron de KLM Pieter Elbers, finalement confirmée le 19 février. Les tensions semblaient dissipées: M. Elbers a même décroché le poste de directeur général adjoint aux côtés du Canadien Benjamin Smith, arrivé en septembre à la tête du groupe.
La question de l'avenir de l'aéroport d'Amsterdam-Schiphol avait également été réglée, assure Bercy.
"Un peu de mystère"
"Le sujet relatif à la préservation de la plateforme de Schiphol a fait l'objet du MOU (un protocole d'accord) qui a été négocié par Air France-KLM avec les autorités néerlandaises" et aurait dû être signé mardi, selon le ministère de l'Economie, selon lequel "pour l'instant il va être mis de côté".
"Toutes les revendications ont été satisfaites", selon Bercy, pour qui "il y a un peu un mystère sur ce que souhaitent véritablement les Néerlandais".
L'entrée au capital, réalisée sans prévenir Paris, donnera à l'Etat néerlandais accès au conseil d'administration (CA) d'Air France-KLM, composé de 16 membres, dont deux proposés par l'État français et un représentant de l'Etat nommé par arrêté ministériel. Aucune information n'a pu être obtenue sur le nombre de sièges dont disposera l'Etat néerlandais au sein du CA.
Selon le journal néerlandais AD, les premiers signaux d'alerte se sont déclenchés, côté Pays-Bas, en 2017, quand les compagnies américaine Delta et chinoise China Eastern Airlines sont entrées au capital du groupe à hauteur de 8,8% chacune, avec des inquiétudes sur le rôle de Schiphol en tant que "hub" européen majeur.
Il y a un peu plus d'une semaine, M. Smith, fort du succès de la signature d'accords salariaux après un début d'année 2018 marqué par des grèves chez Air France, avait réaffirmé son intention de faire d'Air France-KLM un "leader en Europe". Il avait aussi dit vouloir "apporter davantage de cohérence, de simplicité et de lisibilité à l'offre long courrier" du groupe.
Même si Air France pèse plus lourd que KLM dans l'alliance, en termes de chiffre d'affaires (16 milliards d'euros en 2018 contre 11 pour le néerlandais), KLM et ses pilotes ont toujours eu la sensation, depuis la fusion de 2004, de contribuer davantage à la rentabilité que leurs homologues français. La marge d'exploitation de KLM était de 9,8% en 2018 et de seulement 1,7% pour Air France.
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