Plusieurs milliers de personnes, des hommes, des femmes et des enfants, ont quitté ces derniers jours cet ultime réduit de moins d'un demi-kilomètre carré, situé aux confins orientaux du pays.
Poche assiégée
Les jihadistes jusqu'au-boutistes du "califat" de l'EI, en cours de désagrégation en Syrie, sont retranchés à la périphérie est du village de Baghouz, situé sur la rive orientale du fleuve Euphrate, non loin de la frontière irakienne.
Cette ultime poche est encerclée par plusieurs forces.
Au nord et à l'ouest, les Forces démocratiques syriennes (FDS) sont engagées depuis septembre dans une bataille décisive contre l'EI avec le soutien d'une coalition internationale antijihadiste emmenée par les Etats-Unis.
Au sud du réduit, les forces loyales au régime de Bachar al-Assad contrôlent le terrain. Elles ont installé leurs positions sur la rive occidentale de l'Euphrate.
Et à l'est, les jihadistes de l'EI sont encerclés par les forces irakiennes épaulées par la milice irakienne de Hachd al-Chaabi, stationnées de l'autre côté de la frontière, dans une zone surplombant Baghouz.
Evacuation
Après avoir longtemps interdit aux civils et aux combattants de quitter l'enclave, l'EI a finalement accepté de laisser partir certains, notamment des femmes et des blessés, selon les récits d'évacués recueillis par l'AFP.
Les personnes fuyant la poche jihadiste marchent jusqu'à un point de rassemblement situé près de la ligne de front à Baghouz.
De là, des bus affrétés par les FDS les transportent jusqu'à un lieu 20 kilomètres plus au nord, où les évacués sont soumis à une rigoureuse inspection de l'alliance arabo-kurde, dans le but de détecter d'éventuels jihadistes.
Fouilles et interrogatoires
Dans cette zone d'accueil improvisée en plein air, dans une plaine aride de la province de Deir Ezzor (est), les femmes, souvent chargées de sacs et de baluchons, sont fouillées par des combattantes des FDS tandis que de l'eau et de la nourriture sont distribuées.
Au milieu des vêtements et des boîtes de lait en poudre, il n'est pas rare de trouver des pistolets et des couteaux, selon les FDS. Tout objet considéré comme suspicieux est confisqué, y compris les téléphones portables et les appareils électroniques.
A l'écart des femmes, mais dans la même zone, les hommes -- qui arrivent souvent sans affaires-- sont également fouillés et soumis à un premier interrogatoire. Leurs empreintes digitales sont relevées, comme celles des femmes étrangères.
Camps et centres de détention
Les évacués qui sont reconnus comme civils, majoritairement des femmes et des enfants, sont transportés pour la plupart vers le camp d'Al-Hol, situé dans la province de Hassaké, à six heures de route de Baghouz.
Plus de 50.000 personnes y vivent, dont des milliers arrivant de Baghouz, y compris des étrangères et leur progéniture.
Certaines femmes sont transférées avec leurs enfants vers le camp Roj, aménagé par les FDS pour accueillir les déplacés venus de territoires repris aux jihadistes.
Egalement situé dans la province de Hassaké, le camp Roj accueille plus de 1.500 personnes. Un autre camp, "Aïn Issa", dans la province de Raqa, abrite lui plus de 12.000 déplacés, eux aussi issus de zones reconquises aux jihadistes.
Quant aux hommes soupçonnés d'avoir combattu dans les rangs de l'EI, ils sont envoyés dans des centres de détention, dont la localisation n'est pas connue, où sont menés des interrogatoires plus approfondis.
Les FDS identifient les jihadistes présumés grâce à des listes de noms de membres de l'EI, mais aussi en remarquant sur leur corps des marques typiques de combat, notamment aux épaules, là où se portent certaines armes.
Certains sont soupçonnés d'être jihadistes simplement en raison de leurs réponses hésitantes.
Qui se trouve encore à l'intérieur?
Outre les irréductibles du "califat", la coalition arabo-kurde estime à quelques milliers le nombre de civils encore présents à l'intérieur de l'ultime réduit de l'EI, après avoir d'abord pensé qu'ils n'étaient que quelques centaines.
Ces chiffres ne peuvent être vérifiés et les responsables des FDS affirment être surpris par le nombre important de personnes quittant la poche jihadiste.
Certains jihadistes préfèrent y rester et mourir sur place pour défendre jusqu'au bout le "califat", ont raconté à l'AFP des personnes ayant récemment quitté le réduit. D'autres souhaitent se rendre, ont-ils ajouté.
Des étrangères ayant rallié l'EI ou épousé des jihadistes restent également retranchées à Baghouz, d'après la même source.
Les journalistes de l'AFP ont rencontré et interrogé ces dernières semaines plusieurs femmes originaires, entre autres, de France, d'Allemagne, de Turquie et de Russie.
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