Une centaine de journalistes des médias algériens, écrits et audiovisuels, publics et privés, se sont rassemblés en matinée sur la "Place de la Liberté de la presse", pour dénoncer les pressions subies et les restrictions de couverture "imposées par (leur) hiérarchie" du mouvement de contestation actuel.
Au début de ce rassemblement, une dizaine de journalistes ont été arrêtés, les uns après les autres, pour des motifs inconnus, a constaté une journaliste de l'AFP.
"Libérez nos collègues", ont scandé les manifestants tandis que les journalistes interpellés tambourinaient contre les parois des fourgons de police dans lesquels ils ont été enfermés et qui ont ensuite quitté la place.
"Non à la censure!", "4e pouvoir, pas une presse aux ordres", ont encore clamé les manifestants, aussi nombreux que les policiers qui les encerclaient.
De nombreux automobilistes ont klaxonné en solidarité ou criaient "Presse libre!", en passant devant le rassemblement, d'après la même source.
"Libération immédiate"
Environ deux heures après le début du rassemblement, les très nombreux policiers déployés, certains en tenue anti-émeutes, ont fait évacuer calmement la place, en repoussant les journalistes encore présents vers la rue.
Ceux-ci se sont alors dirigés vers la Maison de la Presse Tahar Djahout -du nom d'un des premiers de la centaine de journalistes algériens assassinés durant la "décennie noire" (1992-2002) de guerre civile- avant d'être stoppés par un cordon de police, qui les a dispersés dans le calme en début d'après-midi.
Le ministre algérien de la Communication, Djamel Kaouane, a fait une très brève apparition durant ce rassemblement, sans faire de déclaration, avant d'être ramené précipitamment --pour une raison inconnue-- à son véhicule par son escorte, selon des images diffusées sur les réseaux sociaux par des journalistes sur place.
Réagissant dans un tweet aux arrestations, Reporters sans frontières (RSF) a demandé "la libération immédiate de tous les journalistes interpellés violemment (...) lors de la manifestation des journalistes place de la liberté de la presse".
Durant ce rassemblement, des pancartes hostiles à un 5e mandat ont été brandies, mais cela a suscité un débat au sein des protestataires, certains estimant qu'en tant que journalistes, ils n'avaient pas à prendre position sur le mouvement actuel de contestation.
"Traitement exceptionnel"
L'Algérie connait depuis près d'une semaine un mouvement massif de contestation contre la perspective d'un 5e mandat du président Abdelaziz Bouteflika, au pouvoir depuis 1999 et considérablement affaibli à la suite d'un accident vasculaire cérébral (AVC) en 2013.
Les médias audiovisuels publics algériens et les télévisions privées, propriétés d'hommes d'affaires proches du pouvoir, ont durant plusieurs jours totalement passé sous silence le mouvement de contestation.
Des journalistes de la radio nationale ont dénoncé dans un texte un silence "imposé par (leur) hiérarchie". Ils en ont profité pour dénoncer l'absence de neutralité à l'antenne, le "traitement exceptionnel" réservé au camp du président Bouteflika et celui "restrictif de l'opposition".
Une journaliste de la radio qui a publiquement démissionné de ses fonctions d'encadrement pour dénoncer cet état de fait a fait savoir que son émission avait depuis été supprimée.
Les journalistes de l'audiovisuel public algérien -radio nationale mardi, puis télévision nationale mercredi- se sont tour à tour rassemblés devant leurs sièges pour "la liberté d'informer", des initiatives extrêmement rares en Algérie.
Mercredi, l'audiovisuel public algérien a finalement évoqué, à mots choisis, les manifestations d'étudiants de la journée contre la candidature du président Bouteflika.
La chaîne francophone de la télévision nationale a notamment diffusé des images en milieu de journal du soir, sans que le commentaire évoque le refus du 5e mandat parmi les revendications.
Les étudiants ont appelé "à des réformes dans un cadre démocratique calme et paisible", a déclamé la présentatrice, et ont "pu exprimer leur opinion (...) ce qui témoigne encore une fois que l'Algérie est un pays démocratique et de liberté d'expression".
Mercredi, RSF avait de son côté affirmé que les autorités algériennes mettaient "tout en oeuvre pour museler les médias" voulant couvrir la contestation, et dénoncé des "interpellations, agressions, interdiction de couvrir, confiscation de matériel, pressions sur les médias publics et ralentissement du réseau internet...".
RSF classe l'Algérie à la 136e place sur 180 dans son dernier classement mondial de la liberté de la presse.
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