L'ancien PDG de l'alliance automobile Renault-Nissan-Mitsubishi Motors, 64 ans, se trouve en détention à Tokyo depuis son arrestation le 19 novembre pour des malversations financières présumées.
Il s'agit de la troisième requête de ce type, et de la première depuis que M. Ghosn a changé d'équipe de défense.
Il avait dans un premier temps choisi un ex-procureur, Motonari Otsuru. Mais, face à l'attitude jugée passive de ce dernier et aux rejets de ses demandes de remise en liberté, l'homme d'affaires franco-libano-brésilien a décidé de faire appel à des vétérans du barreau, parmi lesquels Junichiro Hironaka, surnommé "l'innocenteur".
"Les procureurs le gardent en détention parce qu'il n'avoue pas. Je voudrais que les gens se demandent si c'est approprié du point de vue des normes internationales", avait fustigé l'avocat la semaine dernière devant la presse.
De son côté, le juge a mis en avant les risques de fuite et d'altération des preuves pour justifier le maintien en détention du magnat de l'automobile.
"Un dictateur"
Quels arguments les avocats ont-ils cette fois déployés pour convaincre le tribunal? Rien n'a filtré pour l'instant.
"Nous ne pouvons pas entrer dans les détails ni dire si nous avons adopté une approche différente", a réagi un membre du cabinet de Me Hironaka, contacté par l'AFP. "Nous prévoyons de donner des explications" à l'occasion d'une conférence de presse, prévue lundi à Tokyo.
M. Ghosn s'était auparavant engagé à résider au Japon, avançant la possibilité de porter un bracelet électronique, même si un tel système n'existe pas dans l'archipel.
Carlos Ghosn, dont l'arrestation a secoué le monde des affaires, a été inculpé pour minoration d'une partie de ses revenus pour un montant de 9,23 milliards de yens (74 millions d'euros) de 2010 à 2018, dans les rapports de Nissan remis aux autorités boursières. Il a également été mis en examen pour abus de confiance.
Il risque jusqu'à 15 ans de prison.
Lui se dit innocent et crie au "complot", assurant qu'on a voulu l'éliminer du jeu pour faire échouer son projet d'intégration poussée des trois compagnies de l'alliance: Renault, Nissan et Mitsubishi Motors.
Nissan a rejeté cette thèse à plusieurs reprises. "Ce n'est absolument pas le cas. Il a commis de sérieuses fautes qui ne pouvaient être tolérées", soulignait encore cette semaine une source proche de la compagnie. "Pendant 15 ans, il régnait sur deux entreprises (Nissan et Renault à partir de 2005), et cette gouvernance a façonné un dictateur".
"En interne"
Dans un entretien publié mercredi par le quotidien économique Nikkei, le patron exécutif de Nissan, Hiroto Saikawa, a également dénoncé la "dépendance totale" de l'entreprise vis-à-vis de son ancien sauveur.
"Le souvenir de 1999 (quand M. Ghosn est arrivé pour redresser le constructeur alors au bord de la faillite) était trop fort, au point qu'on avait le sentiment que Nissan ne pouvait prospérer et se stabiliser qu'avec Ghosn à sa tête", a-t-il confié.
Selon M. Saikawa, si la vérité a pu éclater c'est en partie parce que Carlos Ghosn était de moins en moins présent. Depuis avril 2017, il n'était plus que président du conseil d'administration et ses visites se sont espacées. "Son pouvoir a commencé à s'étioler", a-t-il souligné.
C'est à ce moment-là qu'un lanceur d'alerte s'est manifesté, aboutissant à la mise en place d'une enquête interne courant 2018 et à l'interpellation surprise du patron d'industrie en novembre.
Depuis, Carlos Ghosn a été déchu de tous ses titres.
Cette saga a mis à rude épreuve l'alliance franco-japonaise, unie depuis 1999 par des participations croisés. Nissan, qui veut à tout prix éviter de se trouver à nouveau dans une situation de concentration des pouvoirs, souhaite affirmer son autonomie et rééquilibrer les forces au sein de l'alliance.
"Le président du conseil d'administration sera décidé en interne", une position que le nouveau président de Renault, Jean-Dominique Senard, chargé de rétablir la confiance, "comprend parfaitement", a insisté M. Saikawa, alors que l'Etat français, actionnaire de la marque au losange, apparaît au contraire favorable à la nomination d'un même et seul président pour les deux alliés.
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