"Si j'avais perdu des élections libres et justes, j'aurais appelé le vainqueur dans la seconde", a déclaré le candidat du Parti populaire démocratique (PDP). "Non seulement je lui aurais adressé mes félicitations mais j'aurais aussi proposé mes services pour contribuer à unir le Nigeria."
Citant de nombreuses irrégularités, M. Abubakar, ancien vice-président (1999-2007), a annoncé qu'il rejetait les résultats de "la parodie d'élection du 23 février 2019". "Je contesterai ces résultats en justice".
Le chef de l'Etat n'a pas tardé à riposter : "D'après les commentaires de plusieurs observateurs, à la fois locaux et étrangers, il ne fait pas de doute que l'élection était à la fois libre et juste", a-t-il dit, balayant les accusations de tricherie.
"Nous avons à coeur l'intérêt des Nigérians (...) et nous allons travailler à leur offrir un meilleur Nigeria", a-t-il promis, avant d'appeler ses compatriotes au calme. "Les élections ne sont pas une guerre (...) Je prie pour que tous adoptent une approche démocratique, même si elle est contentieuse".
Dans la nuit de mardi à mercredi la Commission électorale indépendante (INEC) a mis fin à trois jours de compilation des résultats, annonçant la victoire du sortant avec une avance de près de 4 millions de voix sur son principal rival, soit 56% des suffrages contre 41%.
Cour suprême
"Nous sommes encore en train de rédiger notre plainte et de réunir les preuves nécessaires pour monter notre dossier", a expliqué Boladele Adekoya, porte-parole du PDP. Le recours sera déposé devant la Cour Suprême.
Or quelques semaines avant le vote, le président Buhari avait suspendu Walter Onnoghen, le président de la Cour suprême, organe judiciaire chargé de trancher les éventuels litige électoraux, sous des accusations de corruption, pour le remplacer par Ibrahim Muhammad Tanko, un homme du nord du Nigeria, tout comme lui.
Avant l'annonce officielle des résultats, l'opposition avait déjà demandé aux Nigérians de ne pas en tenir compte, dénonçant des fraudes massives dans l'organisation du scrutin.
Mercredi matin, le groupe de surveillance de la société civile Situation Room, qui a déployé 8.000 agents pendant le scrutin, a demandé des explications sur le million de votes annulé dans 18 Etats (sur un total de 36 Etats plus Abuja).
En 2015, bien que le scrutin ait été globalement salué par la communauté internationale et les observateurs malgré des problèmes logistiques inévitables, le nombre de vote annulés s'élevait à 844.000.
Fraudes
Cette année, les observateurs locaux et ceux de l'Union européenne ont souligné des problèmes "graves" dans l'organisation du vote (retards à l'ouverture des bureaux, intimidations d'électeurs, destruction de matériel électoral), alors que l'élection avait déjà été retardée d'une semaine.
"Situation Room appelle les partis politiques et les candidats qui ont des griefs avec le processus électoral à utiliser les recours légaux pour le faire", a indiqué l'organisation, craignant une montée des violences qui ont déjà fait 53 morts depuis samedi.
L'ex-général Buhari, austère, incarne la lutte anticorruption face à Atiku Abubakar, ancien vice-président et homme d'affaires millionnaire qui a toujours fait naître des doutes sur l'origine de son immense richesse mais proposait une libération de l'économie.
C'est sur ce point notamment que les deux principaux candidats en lice, MM. Buhari et Abubakar, âgés respectivement de 76 et 72 ans, tous deux Haoussas musulmans du Nord, se différencient.
Forte abstention
M. Buhari a notamment gagné dans ses bastions traditionnels du Nord, densément peuplés, tandis que son rival a remporté presque tous les Etats de l'extrême Sud chrétien, mais le sortant a toutefois séduit un nombre inattendu d'électeurs dans cette région qui lui est historiquement hostile.
L'autre point notable de cette élection est le très faible taux de participation (autour de 35% des 72 millions d'électeurs enregistrés).
"On arrive à un tel niveau qu'il est facile de conclure que la démocratie nigériane est malade et que les hommes politiques nigérians n'offrent aucune perspective à la jeunesse", note Bejamin Augé, spécialiste du Nigeria à l'Institut français des relations internationales (Ifri).
En 2015, le chef de l'Etat sortant, Goodluck Jonathan, avait aussitôt appelé Muhammadu Buhari pour le féliciter de sa victoire, marquant la première alternance au Nigeria, un pays sorti des dictatures militaires en 1999.
Géant de 190 millions d'habitants, le Nigeria produit près de 2 millions de barils de pétrole par jour, mais manque toujours d'infrastructures basiques, d'électricité ou d'eau courante et 87 millions de Nigérians vivent toujours sous le seuil de l'extrême pauvreté.
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