"Une tâche fondamentale, qui appartient à chacun d'entre nous individuellement et de façon collégiale, est de rétablir la justice envers ceux qui ont été violés", a lancé le cardinal indien Oswald Gracias, devant les 190 participants à une réunion inédite au Vatican.
"L'Église ne vit pas dans un monde isolé", a insisté le cardinal, conseiller du pape dans ses réformes, demandant aux évêques de "coopérer avec les autorités civiles" en cas d'abus sexuels.
Pour autant, le prélat indien a nuancé ses propos en rappelant les difficultés rencontrées dans certaines parties du monde lorsque "l'État persécute ou se tient prêt à persécuter l'Église".
D'où l'importance d'une Eglise parlant d'une seule voix. "Aucun évêque ne peut se dire +ce problème d'abus dans l'Église ne me préoccupe pas, parce que les choses sont différentes dans ma partie du monde+. Nous sommes tous responsables de toute l'Église", a-t-il insisté.
Les présidents de 114 conférences épiscopales de tous les continents se sont retrouvés vendredi au Vatican, avec de hauts prélats de la Curie, des chefs des Eglises catholiques orientales et des supérieurs de congrégations religieuses.
Pour tenter d'apaiser des victimes dubitatives et une opinion publique scandalisée, le pape François avait ouvert les travaux jeudi en demandant des mesures "concrètes". C'est lui qui en tirera les conclusions dimanche.
Le cardinal américain Blase Cupich, un allié du pape, a présenté vendredi "un cadre" déjà très détaillé "pour la construction de nouvelles structures juridiques de responsabilisation dans l'Eglise".
Certaines propositions s'inspirent de ce qui existe aux Etats-Unis, à l'instar d'une "ligne téléphonique dédiée" ou d'un "portail web" permettant aux victimes de signaler leur cas à une haute autorité indépendante de leur diocèse, comme un nonce (ambassadeur du pape). Mais l'idée est d'arriver à sensibiliser d'autres continents.
'Appel au secours'
L'Asie, mais surtout l'Afrique, souvent dans un déni total et peu encline à parler de sexualité, constituent une cible importante du sommet du pape François.
Jeudi soir, lors d'une veillée de victimes à Rome au pied du Château Saint-Ange, forteresse qui abrita autrefois des papes en danger, Benjamin Kitobo, un Congolais vivant aux Etats-Unis, a crié devant quelques badauds mais surtout une forêt de caméras: "Ma présence ici, c'est un appel au secours pour les victimes en Afrique".
Brandissant son certificat d'études primaires en date de l'été 1981, il a expliqué d'une voix étranglée: "C'est mon dernier certificat d'innocence".
"Mon père m'avait amené à ce petit séminaire et j'ai été molesté sexuellement par un prêtre durant quelques années là-bas. Et après mon école primaire, c'était terminé, je n'ai fait que survivre. Aujourd'hui c'est mon dernier certificat d'innocence, venir en public et dire, j'ai été victime d'abus. L'Eglise doit arrêter cela".
Au premier jour du sommet, le cardinal colombien Rubén Salazar Gómez avait décroché la palme du discours le plus impitoyable, dénonçant une "mentalité cléricale" privilégiant "les bourreaux", "une déformation monstrueuse du ministère sacerdotal" et des prélats prêts à mentir "pour ne pas reconnaître l'horrible réalité".
"Les premiers responsables sont parmi nous, parmi les évêques et les prêtres et les personnes consacrées", a lancé le cardinal colombien. "Nous devons reconnaître que l'ennemi est à l'intérieur".
"0n se comporte comme les bergers qui, en voyant arriver le loup, fuient en laissant le troupeau sans protection". "En essayant de nier la dimension des dénonciations qui sont faites, en n'écoutant pas les victimes, en ignorant les dommages causés chez ceux qui souffrent des abus, en déplaçant les accusés ailleurs où ils continuent d'abuser ou en essayant de parvenir à un compromis financier pour acheter le silence", a-t-il égrainé, en jetant sans aucun doute un froid dans la salle.
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