"Je suis catholique. Je connais bien le problème et beaucoup de protagonistes de l'affaire. Ca me concerne vraiment, ça concerne ma foi. Aujourd'hui je ne vois plus l'Église de la même façon".
Marie, une dame âgée aux longs cheveux blancs, semble bouleversée en tenant son pot de pop-corn et sa trottinette, avant même d'avoir vu le film. Elle attend la deuxième séance de la journée devant le Pathé Bellecour.
Les spectateurs du matin sont en train de sortir. Au milieu des têtes poivre et sel, deux adolescents de 14 ans, les traits blêmes. "C'est un film assez lourd, très lourd".
"L'Église reste une super puissance. J'ai beaucoup de mal avec cette institution", dit l'un des deux.
Ils ont chacun été baptisés, ne fréquentent plus les églises dans cette ville où subsiste une vraie ferveur catholique. Ils n'en diront pas plus.
Fabien Champion, professeur de 40 ans, ne cache pas qu'il a beaucoup pleuré. "Ca m'a beaucoup touché, parce que c'est à Lyon, parce que je suis croyant. L'Église de Lyon a failli", lance-t-il.
Il a déjà tout lu sur le dossier, sur ce prêtre, Bernard Preynat, accusé d'avoir abusé de scouts; sur ces hommes qui une fois adultes ont osé parlé en créant "La Parole Libérée"; sur l'omerta de l'Eglise; sur les mises en cause du Cardinal Barbarin accusé de ne pas avoir dénoncé le religieux à la justice.
Mais ce film apporte quelque chose de plus pour lui. "Ca permet de se mettre à la place, d'imaginer comment on pourrait réagir en tant que parent, en tant que victime. Est-ce qu'on oserait parler ?".
"Ce film sert énormément la cause qu'on défend", abonde François Devaux, cofondateur de "La Parole libérée". C'est un des trois personnages centraux du film, incarné à l'écran par Denis Ménochet.
"J'étais très inquiet par la sortie du film, surtout de l'image potentiellement héroïque qui pourrait se dégager". Il était inquiet surtout de la réaction de son entourage qui l'a finalement trouvé "très bien", "juste", "digne".
"Vivement qu'on en ait fini"
A Sainte-Foy-les-Lyon, où officiait Bernard Preynat, le seul cinéma de la ville, CinéMourguet, l'a évidemment programmé et attend du monde.
"Lorsque Mars Films l'a présenté, on s'est dit +mais c'est chez nous, c'est notre histoire+. On a foncé demander une avant-première", raconte son directeur, François Rocher.
Un moment qu'il n'est pas prêt d'oublier: une salle archi-pleine, François Ozon et deux de ses acteurs, Swann Arlaud et Melvil Poupaud, sur scène, cinq télés, trois radios et... un huissier pour tout enregistrer. Sur demande d'une ex-membre du diocèse qui a ensuite demandé - en vain - à la justice que son nom soit retiré du film.
En début de séance, un carton précise: fiction inspirée de faits réels. Mais le réalisateur lui-même, qui vient de recevoir le Prix du Jury à la Berlinale, explique avoir travaillé avec la précision d'un documentariste.
A Lyon, il a utilisé le nom de code "Alexandre" (prénom d'une des victimes) pour tourner discrètement les scènes extérieures. Craignant les difficultés.
Mercredi, une quinzaine de personnes sortent de la messe du matin à la cathédrale Saint-Jean, dans le Vieux-Lyon.
"Ca fait jaser, quoi. Mais bon le procès, c'est le procès: on est obligé de passer par ces épreuves-là. Le film, il n'a pas d'utilité réelle. C'est pas le film qui va expliquer les choses, ce sera la justice. Le film ce sera toujours une interprétation de quelqu'un", lâche une fidèle.
"Vivement qu'on en ait fini avec cette histoire et qu'on en parle plus", lance un autre.
Mais ce ne sera pas pour tout de suite. Le jugement de Mgr Barbarin est attendu le 7 mars et le procès de Bernard Preynat a priori en fin d'année.
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