"On prendra des actes, on prendra des lois et on punira", a déclaré le chef de l'Etat mardi à Quatzenheim (Bas-Rhin), où une centaine de tombes du cimetière juif ont été recouvertes de croix gammées. Des tags antisémites ont également été découverts mercredi sur un monument aux morts à Champagne-au-Mont-d'Or, près de Lyon.
Déplorant un "échec" français dans la lutte contre l'antisémitisme, le président avait également dit vouloir "frapper les consciences", lors d'un recueillement au Mémorial de la Shoah à Paris.
"Le niveau atteint par l'antisémitisme est intolérable. L'urgence de la situation impose des décisions fortes qui vont au-delà des déclarations", a déclaré à l'AFP Francis Kalifat, le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), qui organise mercredi son raout annuel à Paris.
Pour lui, "il faut déjà appliquer la loi avec la sévérité nécessaire. Nous avons un France un arsenal législatif assez abouti pour punir les délinquants antisémites".
La garde des Sceaux Nicole Belloubet a, elle, estimé que les parquets pouvaient "être encore plus attentifs et vigilants" et a aussi rappelé que la réforme de la justice, qui vient d'être adoptée, permet de "porter plainte en ligne".
"Faut-il d'autres textes ? La réponse est évidement oui", a-t-elle aussi estimé: "Sur la diffusion de la haine sur internet et sur les réseaux sociaux, nous n'avons pas suffisamment d'outils juridiques. Il y a des dispositions que nous n'avons pas, sur la responsabilité des hébergeurs, sur le retrait rapide des contenus".
Un projet de loi est en préparation au gouvernement pour lutter contre le cyberharcèlement, et contraindre les opérateurs à retirer dans les meilleurs délais les contenus haineux. Selon le secrétaire d'État au Numérique Mounir Mahjoubi, ce texte - qui fait partie d'un plan triennal lancé en 2018 par l'exécutif - devrait être présenté avant l'été. Il sera couplé à une mobilisation générale au sein du G7 et au niveau européen.
"Nous attendons que ce texte sorte et soit mis en oeuvre", a souligné M. Kalifat. "Les mots doivent se concrétiser par des actions. Le contrôle sur Internet pour condamner les injures doit suivre et des sanctions doivent être appliquées", renchérit Haim Korsia, grand rabbin de France, dans une interview à La Croix.
Emmanuel Macron a en revanche assuré n'être pas favorable à la pénalisation de l'antisionisme, voulue par M. Kalifat et relayée dans une récente proposition de loi.
"La masse n'était pas là"
Ce dîner intervient au lendemain de rassemblements de milliers de personnes en France, qui ont répondu à l'appel d'une vingtaine de partis politiques pour dénoncer la flambée de 74% des faits antisémites en 2018 mais aussi des actes plus récents.
Pendant le week-end du 9 et 10 février, des dessins représentant Simone Veil avaient ainsi été barrés de croix gammées à Paris et des arbres à la mémoire d'Ilan Halimi, jeune homme juif tué en 2006, avaient été vandalisés dans l'Essonne.
La profanation du cimetière de Quatzenheim et les insultes proférées samedi contre le philosophe Alain Finkielkraut à Paris n'ont fait que renforcer l'indignation.
L'ampleur des rassemblements mardi soir a toutefois laissé un sentiment mitigé: "Ils ont eu le mérite d'exister. La classe politique était mobilisée, le gouvernement était mobilisé. Mais j'aurais souhaité que la France se mobilise de façon plus massive", a affirmé M. Kalifat.
"La masse n'était pas là, la foule n'était pas là", a regretté sur CNews Serge Klarsfeld. "Ceux qui n'étaient pas juifs étaient en général absents", a-t-il estimé. "L'antisémitisme, ça ne se guérit pas facilement, c'est un travail très long. Il faut une société où les inégalités soient réduites, des sociétés pacifiées", a-t-il observé.
Selon le ministre de l'Intérieur, 541 actes antisémites ont été recensés en 2018, un chiffre en forte hausse mais qui reste inférieur aux pics de 2014 (851) et 2004 (974).
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