Dans la foule qui s'est réunie dès 18H00 sur la place de la République, le jeune homme qui proteste, Elias Hufnagel, n'a pourtant que 16 ans. Si ce lycéen parisien a tenu à se rendre au milieu de la foule compacte, c'est d'abord pour se rappeler de "ses ancêtres juifs". Et à l'endroit de ses camarades absents il se souvient qu"'il y a le foot ce soir..." (Lyon-FC Barcelone).
Si les organisateurs ont compté quelque 20.000 personnes à Paris, au milieu des pancartes barrées de "Non à la banalisation de la haine" ou "Juifs attaqués, République en danger", il y avait peu de participants de moins de 30 ans mais beaucoup de seniors, ont constaté des journalistes de l'AFP.
"Je pensais avoir inculqué une culture historique, je me suis trompée: l'enseignement de la Shoah ne parvient pas à toucher tout le monde. Je le prends pour moi et très mal", déplore Anne-Françoise, 64 ans, une retraitée de l'enseignement qui ne souhaite pas donner son patronyme.
"Mes grands-parents sont morts à Auschwitz et mes parents ont choisi la France. Heureusement qu'ils ne sont plus là car ils ne survivraient pas à ce qui se passe", dit-elle, une pancarte "#ça suffit" à la main.
A quelques mètres des innombrables personnalités politiques, dont le Premier ministre Édouard Philippe, confinées dans un espace réservé, quelques jeunes gens avaient tout de même pris part au rassemblement.
Entre plusieurs Marseillaise entonnées spontanément, Maya Vincent, 14 ans, collégienne à Montreuil, dans la banlieue Est de la capitale, raconte qu'"en ce moment, je ne peux pas dire que je suis fière d'être française".
Avec son étoile de David autour du cou, dans le métro, on lui dit parfois qu'elle ne devrait "pas être là". "Et en général personne ne réagit", se désole-t-elle.
Maximilien Ricci, 21 ans, étudiant, abonde: "J'ai un ami juif, je ressens son mal-être en ce moment et ça me dégoûte. Même si je ne suis pas directement concerné, il fallait être là".
La jeunesse avait pourtant été mise à l'honneur par les organisateurs: sur un podium, des adolescents se sont succédé au micro pour lire "Le métèque" de Moustaki ou Primo Levi, avec une émotion palpable.
Sandrine, 50 ans, cadre administratif dans une université de Seine-et-Marne, estime tout de même que "l'enseignement de la Shoah est de plus en plus compliqué dans certains établissements, voire impossible. C'est pour ça que la transmission est difficile aujourd'hui".
Quelques "gilets jaunes"
Au-delà de ces interrogations et ces regrets, le rassemblement s'est toutefois vécu comme un succès, eu égard à son affluence et à l'absence de tout débordement.
Dans une ambiance calme, voire recueillie, chacun a voulu témoigner de son indignation après les saillies antisémites proférées samedi lors d'une manifestation de "gilets jaunes", de la profanation mardi d'un cimetière juif en Alsace, dans un contexte de hausse généralisée des actes antisémites - +74% en 2018.
Drapé de bleu, blanc, rouge, Jonathan Beltar s'insurge: "On s'en prend aux hommes, aux femmes, aux enfants et maintenant aux cimetières: c'est sans fin".
Ce gestionnaire immobilier de 39 ans fait en outre observer que "les juifs sont une toute petite minorité en France et ils sont les champions du monde des victimes d'agressions: c'est catastrophique".
Dans la foule, une poignée de "gilets jaunes", disséminés, ont également voulu répondre à l'appel unitaire lancé par le PS puis relayé par d'innombrables partis politiques, associations et mouvements.
"Je suis là pour dénoncer l'instrumentalisation insoutenable du pouvoir qui insinue que ce mouvement social de grande ampleur est antisémite", s'insurge Patricia, une universitaire de 60 ans. Toujours le gilet fluo dans le dos.
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