Le père Preynat, prêtre lyonnais poursuivi pour agressions sexuelles dans cette affaire, et non encore jugé, avait assigné en référé François Ozon pour obtenir un report de la sortie en salles de ce film, primé samedi du Grand prix du jury à la Berlinale, deuxième prix majeur après l'Ours d'or.
"La décision très bien motivée reconnaît que le film - avec les avertissements qui l'accompagnent - ne justifie pas les mesures demandées qui menaçaient sa sortie", s'est réjoui auprès de l'AFP Paul-Albert Iweins, l'un des deux avocats du producteur et du distributeur du film.
Pour Emmanuel Mercinier, avocat du père Preynat, le juge "considère que le fait d'insérer un carton à la dernière seconde du film indiquant que le père Preynat bénéficie de la présomption d'innocence répond aux exigences de la loi, la culpabilité de ce dernier n'étant dès lors pas présentée comme acquise".
Il a regretté "amèrement cette décision, non seulement dans l'intérêt du père Preynat, mais plus largement dans l'intérêt général". "Présenter durant deux heures comme coupable un homme qui n'a pas encore été jugé comme tel constitue une atteinte à la présomption d'innocence", a-t-il dit.
Appel de la décision
Frédéric Doyez, avocat lyonnais du père Preynat, a indiqué à l'AFP que le prêtre ferait appel, mais que cela n'empêcherait pas le film de sortir.
A Lyon, une autre audience avait lieu ce lundi concernant ce film : une ex-membre du diocèse de Lyon, Régine Maire, représentée dans le film, réclame que son nom n'apparaisse pas dans le long métrage.
"Grâce à Dieu", qui donne seulement les prénoms des victimes mais cite nommément le cardinal Barbarin, le père Preynat et Régine Maire - dont les noms, dit François Ozon, "étaient déjà dans la presse" -, raconte la naissance de l'association de victimes "La Parole Libérée", fondée à Lyon en 2015 par d'anciens scouts accusant d'abus Bernard Preynat.
Le film suit trois d'entre elles, incarnées à l'écran par les acteurs Melvil Poupaud, Denis Ménochet et Swann Arlaud.
Il est construit en trois parties comme un passage de relais entre ses trois personnages principaux, et s'appuie largement, du moins dans sa première partie, sur les lettres et les échanges d'emails avec l'institution religieuse de l'une des victimes, Alexandre Hezez-Dussot, incarné par Melvil Poupaud.
"Censure"
Le film - dont la date de sortie a été fixée en raison de sa sélection à la Berlinale, selon François Ozon -, est tombé en pleine actualité judiciaire.
Le procès du cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, et de cinq autres personnes pour non-dénonciation d'agressions sexuelles pédophiles dans cette affaire s'est tenu début janvier à Lyon. Le jugement est attendu le 7 mars.
Mis en examen depuis janvier 2016, le père Preynat pourrait quant à lui être jugé cette année.
Selon Me Doyez, la justice a fait valoir - outre le fait que le film comporte plusieurs cartons qui rappellent notamment la présomption d'innocence de Bernard Preynat comme du cardinal Barbarin -, que celui-ci sort alors que la date du procès de Bernard Preynat n'est pas fixée, ni prévue. Donc "la nature du film n'est pas de nature à constituer une atteinte grave au caractère équitable du procès", estimé le juge, selon un extrait de la décision lue par l'avocat du père Preynat à l'AFP.
Le prolifique réalisateur de "Huit femmes" avait estimé samedi à Berlin que si le film était suspendu de projection jusqu'au procès du père Preynat, "ce serait une sorte de censure".
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