"Après beaucoup de réflexion et de délibérations, nous avons décidé de ne pas aller de l'avant avec nos plans de construire un nouveau siège" à New York, a annoncé Amazon sur son blog d'entreprise.
"Un certain nombre de personnalités politiques locales ont dit clairement qu'elles s'opposaient à notre présence et ne travailleraient pas avec nous pour établir le genre de relations dont nous avons besoin pour concrétiser le projet", a fait valoir l'entreprise de Jeff Bezos, première fortune mondiale.
L'abandon de ce projet censé doper le dynamisme de la capitale financière américaine a été salué par les élus démocrates qui s'étaient opposés à la venue d'Amazon. Comme Alexandria Ocasio-Cortez, qui siège depuis janvier au Congrès américain et dont la circonscription borde le quartier du Queens où devait s'implanter Amazon.
"Tout est possible: aujourd'hui, un groupe de New-Yorkais déterminés et leurs voisins ont vaincu la cupidité d'Amazon, son exploitation des travailleurs et le pouvoir de l'homme le plus riche du monde", a tweeté cette star de l'aile gauche du parti démocrate, qui vilipende régulièrement Wall Street et les milliardaires.
Bill de Blasio, le très à gauche maire de New York qui avait travaillé aux côtés du gouverneur démocrate de New York Andrew Cuomo pour attirer le projet, a semblé rejeter la responsabilité de cet échec sur l'entreprise.
"Nous avions offert à Amazon la possibilité d'être de bons voisins et de faire des affaires dans la plus formidable ville du monde", a-t-il affirmé dans un communiqué. "Amazon a rejeté cette possibilité. Nous avons les meilleurs talents du monde (...) Si Amazon ne reconnaît pas notre valeur, ses concurrents eux la verront".
Le gouverneur Cuomo n'avait pas encore réagi en début d'après-midi jeudi mais il pourrait lui aussi afficher sa colère.
Après avoir mis en concurrence pendant des mois une vingtaine de villes américaines, l'entreprise en pleine croissance, dont le siège principal est à Seattle, avait annoncé en novembre qu'elle allait construire deux nouveaux sièges, l'un à New York dans le quartier du Queens et l'autre dans la banlieue de la capitale fédérale Washington.
Mais de nombreuses personnalités démocrates new-yorkaises ont critiqué le projet: elles dénonçaient pèle-mêle les quelque 3 milliards d'avantages fiscaux promis à l'entreprise, l'augmentation prévisible des loyers ou encore la saturation prévisible du métro dans le quartier concerné. Elle déploraient également le rejet des syndicats par Amazon et l'absence de concertation publique lors des négociations avec le maire et le gouverneur de New York sur le projet.
Pas d'autre site
Le groupe a précisé qu'"à ce stade" il n'entendait pas chercher d'autre site pour remplacer l'implantation new-yorkaise. Mais il entend poursuivre son projet près de Washington, avec 25.000 emplois à la clé, et celui de Nashville (Tennessee) avec 5.000 emplois prévus.
Si les élus hostiles au projet ont crié victoire, l'annonce du renoncement d'Amazon risque d'être mal vécue par une partie des New-Yorkais qui, selon les sondages, y étaient majoritairement favorables.
Un sondage publié mardi par l'université Siena College montrait qu'à New York même, 58% des électeurs étaient pour le projet et 35% contre. Le taux d'approbation grimpait même à 70% chez les Noirs et à 80% chez les Hispaniques.
Les premières réactions d'habitants jeudi confirmaient les divisions.
Si une jeune femme de Long Island City s'est dite "soulagée" car elle craignait une augmentation de son loyer, un entrepreneur dans la construction a dénoncé "la vision à court terme" des élus locaux hostiles au projet.
Le 8 février, M. Cuomo avait accusé les critiques d'Amazon de jouer "dangereusement" avec le feu après que le Washington Post eut cité des responsables anonymes de l'entreprise indiquant que le projet pourrait être abandonné.
Il visait notamment les sénateurs de l'Etat de New York qui avaient désigné un élu très critique d'Amazon, Michael Gianaris, au sein d'un mini-comité ayant le pouvoir de bloquer le projet.
M. Gianaris, qui avait surtout dénoncé les 3 milliards d'avantages fiscaux promis à Amazon, semblait sans aucun regret jeudi.
"Nous devons vraiment revoir cette tendance que nous avons à subventionner les grandes entreprises", a-t-il déclaré. "Amazon est la plus grosse entreprise du pays, elle est dirigée par l'homme le plus riche du monde, elle n'avait pas besoin des 3 milliards".
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