Ce professeur de Khâgne arpente des chemins de traverse philosophiques, peu fréquentés par nature. C'est la ligne de crête que côtoie Bertrand Vergely, Normalien et philosophe.
Bertrand Vergely
Quelques mots sur votre passion pour la philosophie ?
Il y a eu plusieurs déclics, tout d'abord le fait d'être né dans une famille passionnée par la culture et la vie spirituelle. J'ai ensuite eu d'excellents professeurs dans les lycées que j'ai fréquentés. Je crois que faire de la philosophie est quelque chose qui, à un moment, s'est imposé à moi, je n'ai pas eu le choix. Je suis ainsi entré en khâgne puis à l'ENS puis ai passé l'agrégation de philosophie. Au-delà de ce parcours académique, ma pensée s'est progressivement formée au cours de ma vie et j'ai appris à penser à travers l'écriture, rencontrant en elle un maître exigeant.
Entre ombre et lumière, bruit et silence, comment trouver l'émerveillement ?
Oui d'un côté, le désespoir, le silence de Dieu, qui semblent donner raison à tous ceux qui nient l'invisible, et par quoi j'ai commencé, pour ensuite aller vers l'inverse : le bonheur, la foi, l'émerveillement. Je vais à la fois là où le sens est contesté, et là où il est révélé. Ce que j'ai aimé, ce sont les gens lucides sur la réalité terrible de la condition humaine, mais qui n'en étaient pas pour autant désespérés, ayant dépassé et l'illusion et le désespoir, assumant pleinement la part tragique de l'existence, et trouvant dans l'homme des forces pour aller au-delà. Il y a quelque chose d'inouï dans l'existence, dans le simple fait de vivre, et dans les mille occasions de s'émerveiller. Pour moi l'émerveillement est lié à la gratitude. Il est en effet à mon sens lié à un engagement philosophique, à une résistance à l'ingratitude, aux fâcheux. Il faut aller au-delà de sa colère, transformer ses humeurs en humour, sa tristesse en étonnement… Il faut être porté par un idéal, un souffle, une mystique…
Selon vous la beauté est le rayonnement de la vérité. C'est-à-dire ?
Oui, devant la beauté, naît l'intuition qu'à côté de ce qu'il y a de plus terrible dans la vie, coexiste une dimension tout à fait extraordinaire. La beauté est l'une des manifestations de cet Inouï, de cette transcendance. Le fait même de la beauté est extraordinaire en lui-même. Et c'est de ce plaisir que procède ensuite la souffrance de constater que la beauté n'est pas omniprésente. Nous sommes confrontés à la double-nature du monde, à la fois obscur et lumineux, réalisé et non-réalisé. Le monde tangue… Il est vivant, à la fois donné et en train… Il est comme en cours de fabrication. de se construire. La beauté est le rayonnement de la vérité, qui est pleinement ce qui est. Le beau est la manière d'être qui fait que, quand ce qui est vraiment ce qu'il doit être, il est alors plus encore que ce qui est. C'est alors plus que beau. Tout s'inscrit dans une logique de " plus que ". Tout devient torrentiel, un débordement, la " Fontaine de la Beauté " évoquée par Platon ! La chose la plus difficile au monde est de se réconcilier avec la vie, de l'accepter telle qu'elle est, dans sa perfection et son imperfection. À la question " être ou ne pas être ", je réponds " être ". Nous sommes alors placés devant des choses sublimes, nous guérissons et l'on peut commencer à vivre pleinement.
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La beauté est un bonheur merveilleux, un paysage sublime suffit à remplir votre vie. Malheureusement un chiffonnier s'installe à 20 m de votre paradis. Le bonheur est éphémère...reste que des odeurs d'huiles et des horreurs à regarder.