L'organisation ultra-radicale avait conquis en 2014 de vastes pans de territoires et des grandes villes en Syrie et en Irak, sur une superficie comparable à un pays comme la Grande-Bretagne. Mais, du "califat" autoproclamé, il ne reste aujourd'hui que quelques centaines de jihadistes pris au piège dans un ultime réduit, dans la province de Deir Ezzor.
Soutenue par la coalition internationale emmenée par Washington, l'alliance arabo-kurde des Forces démocratiques syriennes (FDS) a lancé samedi dernier son offensive "finale". La progression dans le secteur du village de Baghouz est toutefois lente.
"Il y a des affrontements violents, des batailles féroces", a indiqué à l'AFP Adnane Afrine, un porte-parole des FDS. "Il y a une forte résistance", a-t-il insisté.
Les combattants de l'EI, dont des étrangers, sont désormais acculés dans un secteur d'un peu plus d'un kilomètres carré, qui englobe des maisons du village de Baghouz et un camp attenant, selon ce porte-parole.
"On n'a pas de chiffres exacts, mais on peut donner une estimation: environ un millier de combattants et combattantes" s'y trouvent, a-t-il ajouté, alors que les responsables des FDS ne sont en revanche pas en mesure de se prononcer pour ce qui est des civils.
"Il y a beaucoup de tunnels dans Baghouz maintenant. C'est pour cela que l'opération a pris du retard. Il y a beaucoup de kamikazes qui attaquent, avec des voitures ou des motos piégées", a encore précisé M. Afrine.
Mardi, les FDS ont ainsi essuyé deux attaques "menées par des femmes kamikaze", a-t-il relevé.
"En turc, français, anglais..."
Fuyant les combats et les raids aériens, plus de 39.000 personnes, principalement des familles de jihadistes, ont rallié les secteurs des FDS depuis début décembre, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
Dans un deuxième temps, les civils, mais aussi les femmes et les enfants de jihadistes, sont transférés vers les camps de déplacés du nord syrien. Mais ils doivent parfois dormir plusieurs nuits en extérieur, sur les plaines arides près de Baghouz où les températures chutent durant la nuit.
"Les enfants pleuraient toute la nuit à cause du froid", a dit Fatima, qui fait partie des quelque 300 femmes et enfants, principalement originaires d'Irak, récemment sortis du réduit.
Autour d'elle, sous un soleil hivernal, les enfants marchent pieds nus. L'un d'eux mâchonne une cuillère en plastique. D'autres des cailloux et du sable. Les plus jeunes pleurent.
A l'arrivée aux barrages des FDS, tout le monde est soumis à des fouilles et des interrogatoires poussés pour identifier les jihadistes potentiels qui se fondent parmi la foule.
"La plupart des dirigeants" de l'EI dans l'ultime poche seraient des étrangers, tandis que ce sont "des chefs irakiens qui dirigent les combats", selon le porte-parole des FDS.
Et, en réglant les talkie-walkie sur la fréquence utilisée par les jihadistes, les FDS peuvent notamment les entendre parler "en turc, en français et en anglais", a-t-il précisé.
Où est Baghdadi?
Ces dernières semaines, plusieurs jihadistes étrangers sont déjà sortis de l'ultime poche de l'EI, notamment l'Allemand Martin Lemke, ou encore le Français Quentin Le Brun.
Mais le sort du chef, Abou Bakr al-Baghdadi, donné plusieurs fois pour mort, demeure inconnu. Le dernier message audio qui lui a été attribué a été diffusé en août 2018.
Selon des analystes, l'EI a entamé sa mue en organisation clandestine en se cachant dans le désert dans le centre du pays ou en développant des cellules dormantes dans les territoires perdus, loin du "califat" sous lequel vivaient des millions de Syriens et d'Irakiens, mais aussi des milliers d'étrangers.
Ce proto-état avait ses propres manuels scolaires, fabriquait du pétrole, collectait des impôts et frappait sa propre monnaie.
Si la coalition internationale se montre prudente sur le calendrier, le président américain Donald Trump ne cesse de répéter que l'annonce formelle, et surtout symbolique, de la fin du "califat" devrait intervenir dans les prochains jours.
Une victoire contre l'EI ouvrirait la voie au désengagement annoncé en décembre par M. Trump des quelque 2.000 militaires américains déployés en Syrie pour aider les FDS.
La bataille contre les jihadistes représente aujourd'hui le principal front de la guerre en Syrie qui a fait plus de 360.000 morts depuis 2011.
Le régime de Bachar al-Assad, à la faveur du soutien de la Russie et de l'Iran, contrôle désormais près des deux tiers du pays, après avoir enchaîné les victoires face aux rebelles et aux jihadistes.
Les présidents russe, iranien, et turc se réunissent jeudi à Sotchi, en Russie, pour tenter de relancer le règlement politique du conflit.
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