Image de Simone Veil barrée d'une croix gammée, tag "Juden" sur la vitrine d'un restaurant parisien, arbre en mémoire d'Ilan Halim vandalisé: après un week-end marqué par ces dégradations, le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a dénoncé lundi un "poison" en annonçant une hausse de 74% des actes antisémites en 2018.
Hasard du calendrier, le prix Halimi, décerné en mémoire du jeune homme mort en 2006 après avoir été séquestré et torturé par le gang des barbares, doit être remis par Edouard Philippe mardi soir à Matignon.
Francis Kalifat, le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), a appelé à "un sursaut national", déplorant auprès de l'AFP la "libération et la banalisation de la haine antijuive", tandis que Joël Mergui, président du Consistoire israélite de France, évoquait sur BFMTV "un climat où la désinhibition des haines est de plus en plus patente".
"La situation est ancienne", a noté Jean Veil, avocat et fils de Simone Veil. "Personne n'osait manifester son antisémitisme après la Guerre. Mais au fond, on sentait que la lèpre était toujours là", a-t-il commenté sur RTL.
Dans la classe politique, la condamnation a été large, du PCF à Debout la France en passant par le MoDem et les écologistes. Jean-Luc Mélenchon, chef de file de La France insoumise, a dénoncé dans un tweet ces "tags antisémites (qui) expriment la stupidité meurtrière sans fin des préjugés racistes".
Avec "une pensée pour la courageuse mère de Ilan Halimi, que des salopards refusent de laisser en paix", la présidente du Rassemblement national Marine Le Pen a dénoncé la "flambée des actes antisémites" mais aussi "des dégradations de lieux de cultes chrétiens".
Chez Les Républicains, le premier vice-président du parti Guillaume Peltier a fustigé "des extrémistes de gauche et de droite qui se croient tout permis" alors qu'on a "érigé en valeur absolue la liberté d'expression".
"Instrumentalisation "
Le gouvernement par la voix de son porte-parole Benjamin Griveaux a promis une réponse "pénale, judiciaire" forte, avec des poursuites "y compris sur les réseaux sociaux", et un travail d'"éducation" dès le plus jeune âge.
Il a lancé en mars 2018 un plan triennal de lutte contre l'antisémitisme et le racisme, qui prévoit notamment l'expérimentation d'"un réseau d'enquêteurs et de magistrats spécifiquement formés à la lutte contre les actes haineux". Il prépare aussi une modification de la loi pour renforcer la lutte contre la cyberhaine.
Mais Francis Kalifat note que "les plans généraux de lutte contre les haines (...) ont montré leurs limites": il faut "s'attaquer de manière spécifique à l'antisémitisme".
M. Griveaux a aussi placé une partie de la réponse sur le terrain politique. Après trois mois de manifestations des "gilets jaunes", il avait lié samedi plusieurs faits survenus en fin de semaine: "incendie contre le domicile de Richard Ferrand, attaque contre l'Assemblée nationale et actes antisémites".
Niant mardi tout "amalgame" entre antisémitisme et "gilets jaunes", il a néanmoins remarqué que ces actes interviennent "souvent en marge de ces cortèges" où extrême gauche et extrême droite "se mêlent", et a évoqué dans ce cadre "une libération de la parole".
"Le complotisme est très présent dans (les) rangs" des "gilets jaunes", dit le secrétaire d'Etat Jean-Baptiste Lemoyne, arguant d'un sondage Ifop montrant que 44% des personnes se définissant comme "gilets jaunes" se disent d'accord avec l'idée de l'existence d'un complot sioniste à l'échelle mondiale.
Dénonçant une "instrumentalisation", le député LFI Alexis Corbière a appelé M. Griveaux à ne pas "raconter n'importe quoi: le mouvement des gilets jaunes n'est pas un mouvement antisémite". Dire le contraire est "une parole folle qui (...) disqualifie la lutte contre l'antisémitisme".
Mais pour Jean Veil "en réalité, à l'extrême droite comme à l'extrême gauche on voit des mouvements et on entend des propos absolument intolérables".
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