"Tout le monde nous envoie à l'abattoir": quoi qu'un poil excessive et sanguinolente, l'assertion du pilier gauche Dany Priso résume plutôt bien le sentiment général des observateurs et d'une bonne partie du public avant ce 105e "Crunch" de l'Histoire.
Sur le papier, un fossé semble en effet séparer les Bleus du XV de la Rose.
Les premiers ne savent plus gagner, battus vendredi dernier, par les Gallois à domicile, pour la neuvième fois en douze rencontres depuis début 2018 et l'arrivée de Jacques Brunel au poste de sélectionneur.
Après avoir dilapidé une avance de seize points à la mi-temps, puis repris la tête à dix minutes de la fin, dans un air de déjà vu venu plomber d'entrée leur Tournoi. Et leur confiance, déjà très fragile après leur historique défaite en clôture des test-matches de novembre face aux Fidji (21-14).
L'une des clés du match sera de savoir s'ils ont digéré ce faux pas en ouverture. Oui, a affirmé Brunel vendredi: "On a passé un ou deux jours difficiles (...) Mais on a senti depuis deux jours l'excitation d'un gros challenge."
En effet: les Anglais bombent eux le torse après leur victoire en Irlande (32-20), tenante du titre (Grand Chelem à la clé) qui n'avait plus perdu à domicile depuis novembre 2016.
A l'issue d'une démonstration de force physique et tactique, qui a confirmé leur retour au premier plan, entrevu cet automne, après une première partie d'année 2018 délicate.
Tableau sombre
Le tableau, inquiétant pour les Bleus, est un peu plus assombri par l'examen détaillé des forces en présence.
Le XV de la Rose dispose ainsi enfin de ses trois perforateurs Billy et Mako Vunipola, ainsi que de Manu Tuilagi, et d'un banc à 250 sélections.
Soit... dix fois plus que celui du XV de France, qui se présentera avec deux piliers droit (Demba Bamba et Dorian Aldegheri) cumulant deux sélections, et un triangle arrière où aucun des trois joueurs (Gaël Fickou, Damian Penaud et Yoann Huget) n'évoluera à son poste de formation.
Un choix risqué, face aux artilleurs anglais et aux conditions climatiques (vent et possible pluie) annoncées dans l'ouest londonien. Où, pour faire face au défi physique adverse, le sélectionneur Jacques Brunel a rappelé le puissant Mathieu Bastareaud, vice-capitaine sacrifié sur l'autel du jeu de mouvement vendredi dernier.
"Quitte ou double"
Le vice-capitaine a visiblement été vexé d'être relégué en tribunes contre les Gallois, et exhorte ses coéquipiers à oublier le passé: "Il ne faut pas se poser 36.000 questions, il faut avancer parce qu'il n'y a que comme ça qu'on y arrivera. Si on continue à ressasser les matches, les erreurs, on ne va pas avancer. C'est à quitte ou double ce match."
Un succès et les Bleus effaceraient d'un coup toute la frustration accumulée ces dernières années. Ils relanceraient également leur Tournoi et s'injecteraient une bonne dose de confiance, après laquelle ils courent désespérément, sur la route de la Coupe du monde au Japon (20 septembre-2 novembre), où ils retrouveront en poules l'Angleterre.
Une défaite et ils se prépareraient (a minima) à vivre deux semaines pénibles avant de recevoir l'Ecosse le 23 février sous haute pression.
Pour l'éviter, Bastareaud exhume le souvenir de l'an passé où, au Stade de France, les Bleus avaient terrassé les Anglais (22-16): "Personne ne nous attendait, tout le monde pensait qu'on allait +charger+. On s'est révolté, on a fait preuve de beaucoup d'agressivité et on a réussi à faire un grand match."
Il en faudra même un peu plus pour réussir l'exploit de s'imposer à Twickenham pour la première fois depuis 2007, et 2005 dans le Tournoi. Deux victoires vécues au plus près par Brunel, alors entraîneur-adjoint d'un XV de France sans doute mieux armé pour le gros temps.
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