"Aucun élément dans cette audience ne permet de remettre en cause la sincérité des témoignages", a estimé la procureure Florence Gilbert, qui a qualifié l'enquête de Mediapart et de France Inter de "sérieuse".
"Je commence par saluer le courage de ceux qui se sont présentés à votre barre", a-t-elle dit, pour mieux remarquer "l'absence" du plaignant.
Au fil des débats, le procès de la presse s'était mué en charge contre l'ancien vice-président de l'Assemblée nationale: huit femmes ont raconté des "SMS salaces", des "gestes déplacés" et des "agressions": "les deux mains sur les seins", le "pied coincé dans la porte", "une caresse très douce ressentie comme une grande violence".
L'audience a été le théâtre d'une douloureuse introspection au sein d'un parti revendiquant ses combats pour le féminisme et la parité.
Un affrontement entre la génération des pionniers comme Dominique Voynet qui n'ont "rien vu", se sont indignés et n'auraient "jamais couvert" des agressions, et la jeune génération qui a regretté la "complaisance avec la violence". Ce parti où "on savait tous et on savait presque tout", selon les mots de Stéphane Sitbon, l'ancien bras-droit de Cécile Duflot, ex-secrétaire nationale des Verts.
"Impérieuse lutte contre le silence"
Pour les médias poursuivis, ce procès restera comme celui de la "fin de l'omerta" pour des femmes en butte à la domination masculine et dont "la parole a été libérée": "la première affaire #MeToo", avant même le scandale Harvey Weinstein.
Tout a commencé le 9 mai 2016, quand Mediapart et France Inter publient les premiers articles faisant état d'accusation d'agressions sexuelles ou de harcèlement, citant huit femmes dont quatre élues écologistes.
Le lendemain, la justice se saisit. En mars 2017, le parquet de Paris classe sans suite son enquête, considérant que si certains des faits dénoncés étaient "susceptibles d'être qualifiés pénalement", ils sont "cependant prescrits".
Denis Baupin a toujours nié, arguant de "jeux de séduction" entre "adultes". Une "drague lourdingue" selon son avocat mais qu'on "ne peut pas qualifier pénalement".
Me Emmanuel Pierrat a tout tenté pour décrédibiliser l'enquête journalistique, qu'il juge "bâclée", "à charge", suggère la possibilité d'un règlement de compte au sein du parti.
"Parole contre parole, on ne peut pas trancher", estime-t-il. Evoquant le témoignage de Cécile Duflot, venue raconter en larmes comment Denis Baupin avait tenté de forcer sa porte, il décrit "une vengeance" politique, regrette que son client ait été "traîné dans la boue".
Une lecture du dossier qui a fait réagir la procureure: "On ne fait pas le procès de M. Baupin. On ne peut pas non plus tordre l'enquête pour dire qu'il est innocent". Elle a rappelé, "parce que visiblement l'avocat du plaignant ne l'a pas compris", le parquet aurait bel et bien poursuivi M. Baupin si les faits n'avaient pas été prescrits.
"La seule qualité de ce procès aura été de mettre en oeuvre une impérieuse lutte contre le silence" qui entoure les violences sexuelles, conclut la magistrate.
La défense a dénoncé "un prédateur" et une "forme d'impunité" prolongée par son absence. "Baupin, c'est l'homme qui veut laver son honneur, qui organise un duel mais n'envoie que ses témoins", a tancé Me Jean-Yves Moyart, avocat de Sandrine Rousseau, une des ex-cadres d'EELV accusatrice de l'ancien député.
"Il y a des oreilles qui saignent quand on vient vous dire que mettre la main sur les seins, c'est de la drague lourde, de pataud provincial", a tonné Me Yann Le Bras, dénonçant la défense "indigne" de Denis Baupin.
Claire Moléon, avocate d'Isabelle Attard, qui a reçu des dizaines de SMS, explique qu'une "drague lourde, c'est une drague subie, on n'est déjà plus dans le consentement".
"C'est un procès historique. J'ai compté, dans cette salle, il y a 48 femmes. Selon les statistiques, 25 ont connu des violences sexuelles", a relevé Me Moléon, qui "ressent ce que peut ressentir" chacune de ces femmes.
Tous ont appelé le tribunal à envoyer un message puissant, qui rende justice au courage de celles qui sont mises "debout": "Il faut que votre décision dise: n'ayez plus peur, parlez!".
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