La commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, devrait mettre son veto au projet de fusion, annoncé en grande pompe en septembre 2017, ont affirmé à l'AFP trois sources à Bruxelles et une source du gouvernement français.
La commissaire danoise s'est inquiétée à maintes reprises des effets de ce rapprochement. Il réduirait le nombre d'industriels rivaux dans l'Union, ce qui risquerait de faire monter les prix des trains pour les compagnies ferroviaires, et celui des billets pour les consommateurs.
L'exécutif européen n'a pas confirmé l'annonce d'une interdiction.
De façon assez inhabituelle, le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, a défendu mardi, dans un discours à Bruxelles, la politique européenne de la concurrence. Elle avait été vivement attaquée ces dernières semaines par les gouvernements français et allemand, ainsi que par les industriels de ces deux pays.
"Nous permettrons toujours une concurrence équitable pour les entreprises et, en fin de compte, pour les consommateurs (...) Nous ne ferons jamais de politique ou de favoritisme quand il s'agit d'assurer des règles du jeu équitables", a lancé le Luxembourgeois.
Autrefois encensée par le président français Emmanuel Macron pour son intransigeance vis-à-vis des GAFA, Mme Vestager est devenue la cible d'attaques plus ou moins directes de Paris et Berlin.
"Cadeau à la Chine"
Les deux capitales, comme les industriels, craignent la concurrence du chinois CRRC, numéro un mondial du ferroviaire né du rapprochement de deux entreprises d'Etat contrôlées par Pékin.
CRRC fabrique 200 trains à grande vitesse chaque année, et Siemens-Alstom 35, notait récemment le ministre français des Finances, Bruno Le Maire.
Mardi, une source gouvernementale française a estimé que le veto attendu de Bruxelles était "symptomatique d'une certaine idéologie de la Commission qui va à l'encontre des intérêts européens", regrettant une interprétation des règles "extrêmement stricte" de la part de Bruxelles.
Selon cette source, ce refus constitue "un cadeau à la Chine" qui voit s'ouvrir le marché européen, alors qu'elle se protège avec des subventions élevées et que son marché est "aujourd'hui extrêmement fermé".
Le même jour, le ministre allemand de l'Economie, Peter Altmaier, a également plaidé pour une politique favorisant des regroupements à l'échelle européenne, pour créer des groupes capables de jouer "à égalité" sur la scène internationale et une révision du droit européen de la concurrence.
"N'y a-t-il pas des domaines tels que l'aviation, les chemins de fer, les banques où vous devez prendre le marché mondial comme référence plutôt que l'européen?", a fait valoir le ministre.
Et mardi toujours, le président de la fédération du patronat français (Medef), Geoffroy Roux de Bézieux, a lui aussi estimé "indispensable" la constitution de champions européens.
Une semaine auparavant, le patron de Siemens, Joe Kaeser, s'était emporté contre les "technocrates rétrogrades" de Bruxelles.
Les deux groupes, français et allemand, avaient tenté d'amadouer la Commission européenne par des mesures compensatoires, en vendant certaines activités. En vain, si bien qu'ils se sont préparés à ce veto.
Alstom et Siemens Mobility repartiront "chacun de leur côté" en cas d'entrave à leur rapprochement, a indiqué le PDG d'Alstom, Henri Poupart-Lafarge, au quotidien français Figaro, à paraître mercredi.
Siemens, de son côté, a laissé entendre qu'en cas de refus, il n'excluaitt pas une introduction en Bourse de sa rentable branche Mobility.
L'interdiction de la fusion devrait faire le bonheur des syndicats belge et français d'Alstom. Ils avaient réitéré lors d'une rencontre avec Mme Vestager à Paris le 21 janvier dernier leur opposition au projet, craignant d'importantes suppressions de postes.
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