Tandis que les soutiens diplomatiques se multiplient, Juan Guaido, 35 ans, tente d'organiser l'arrivée d'une aide humanitaire au Venezuela, où la population subit d'importantes pénuries.
Lundi, au lendemain de l'expiration d'un ultimatum européen sommant le président socialiste Nicolas Maduro de convoquer une élection présidentielle anticipée, 19 pays de l'UE dont le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne ont franchi le pas et ont reconnu M. Guaido.
Ces soutiens ont été dénoncés comme une "ingérence" par la Russie, l'un des principaux alliés de M. Maduro. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a pour sa part accusé l'UE de chercher à renverser M. Maduro au mépris de la "démocratie".
Les 19 pays de l'UE ont ainsi rejoint la position adoptée par les États-Unis, le Canada et une douzaine de pays d'Amérique latine dont la Colombie et le Brésil.
L'Union européenne reste cependant divisée: l'Italie a bloqué une déclaration commune de l'UE, selon des sources diplomatiques à Bruxelles.
Le Venezuela a annoncé qu'il allait "réévaluer intégralement" ses relations diplomatiques avec les pays européens qui ont reconnu Juan Guaido, les accusant de soutenir des "plans putschistes" suivant un "scénario des États-Unis".
Washington, qui a reconnu M. Guaido aussitôt après son autoproclamation comme président le 23 janvier, s'est félicité des reconnaissances européennes et a invité tous les autres pays à faire de même.
Réunis lundi à Ottawa, onze des quatorze pays du Groupe de Lima, qui réunit des pays d'Amérique latine et des Caraïbes et le Canada, ont appelé à un changement de gouvernement "sans usage de la force" au Venezuela et ont exhorté l'armée à se ranger derrière Juan Guaido.
Le président Maduro s'est déchaîné contre cette intervention du Groupe de Lima. "Ce dernier communiqué est vraiment répugnant, répugnant et risible, on ne sait pas s'il faut rire ou vomir", a-t-il dit. M. Maduro, qui parlait lors d'une cérémonie à Caracas, a jugé les diverses demandes avancées par le groupe "l'une plus démente que l'autre".
Il a aussi relevé les nouvelles déclarations du président Donald Trump réaffirmant la possibilité d'une action militaire des Etats-Unis dans la crise vénézuélienne. "Comme s'il parlait de vacances à Miami Beach, il a dit qu'il envisageait l'option d'une invasion. C'est une folie, Monsieur Donald Trump", a lancé le chef de l'Etat chaviste.
Nouvelle manifestation
L'opposition, entretemps, tente d'organiser l'arrivée d'une aide humanitaire. Le Canada a promis lundi une aide de 53 millions de dollars canadiens (35 millions d'euros) destinée au peuple vénézuélien, s'ajoutant aux 20 millions de dollars d'aide annoncés par Washington.
Selon Juan Guaido, il s'agit de collecter des vivres et médicaments en Colombie, au Brésil et dans une île des Caraïbes. Le chef de file de l'opposition a d'ailleurs appelé lundi à une nouvelle manifestation, sans en préciser la date, pour exiger des militaires qu'ils laissent entrer cette aide dans le pays.
M. Guaido a accusé le haut commandement militaire vénézuélien de vouloir "voler" l'aide destinée au pays pour qu'elle soit distribuée au nom du gouvernement. Il a par ailleurs dit soupçonner M. Maduro de vouloir transférer 1,2 milliard de dollars vers l'Uruguay.
Les représentants de M. Guaido aux États-Unis ont annoncé la tenue d'un conférence internationale sur l'aide humanitaire pour le Venezuela le 14 février au siège de l'Organisation des États américains (OEA) à Washington.
Les habitants du Venezuela, pays pétrolier et autrefois le plus riche d'Amérique latine, sont confrontés à de graves pénuries de vivres et de médicaments, ainsi qu'à une inflation galopante. Depuis 2015, quelque 2,3 millions d'entre eux ont choisi de s'exiler, sur une population totale de 31 millions d'habitants.
Soutenu notamment par la Russie, la Chine, Cuba, la Corée du Nord et la Turquie, M. Maduro, 56 ans, qui attribue les pénuries aux sanctions américaines, rejette toute aide humanitaire, estimant qu'accepter une telle aide reviendrait à ouvrir la porte à une intervention militaire contre son gouvernement.
"Usurpation"
Juan Guaido, le président social-démocrate de l'Assemblée nationale contrôlée par l'opposition, s'est autoproclamé président par intérim le 23 janvier en invoquant la Constitution. Il considère Nicolas Maduro comme un usurpateur pour s'être fait réélire lors d'une élection contestée par l'opposition et par une grande partie de la communauté internationale, avec ses adversaires en prison ou en exil.
Cherchant une sortie pacifique à la crise, un groupe de contact formé par l'UE et cinq pays d'Amérique latine (Bolivie, Costa Rica, Equateur, Mexique et Uruguay) tiendra une première réunion jeudi à Montevideo.
"Nous ne participerons pas. Notre programme est clair: que cesse l'usurpation, un gouvernement de transition et des élections libres (...) Nous n'allons pas tomber dans un faux dialogue", a réaffirmé lundi Juan Guaido.
Nicolas Maduro a dit souhaiter qu'un espace de "dialogue" sorte de ce groupe de contact. Il a également confié avoir écrit au pape François pour demander son aide et sa médiation.
Pour préserver sa "crédibilité", l'ONU a décidé de ne participer à aucun des groupes discutant du Venezuela. Son secrétaire général Antonio Guterres s'est en revanche dit disposé à aider les deux camps "à trouver une solution politique".
Juan Guaido, qui a offert une amnistie aux militaires s'ils le rejoignent, compte sur une nouvelle journée de mobilisation le 12 février pour maintenir la pression sur le pouvoir chaviste.
Selon l'ONG Foro penal, près d'un millier de personnes ont été arrêtées depuis le début des manifestations contre le pouvoir.
"Entre le 21 et le 31 janvier, 966 arrestations ont eu lieu (...) 700 personnes sont toujours emprisonnées", a indiqué lundi le directeur de l'ONG, Alfredo Romero.
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