Deux jours avant cette rencontre mercredi à Washington des ministres des Affaires étrangères de la coalition contre l'organisation jihadiste en Irak et en Syrie, le département d'Etat américain a longuement insisté sur la "contribution" des combattants arabo-kurdes des Forces démocratiques syriennes (FDS).
Rappelant que les FDS ont fait prisonniers "des centaines de terroristes étrangers venus de dizaines de pays", la diplomatie américaine exhorte leurs gouvernements "à rapatrier et juger chez eux" ces jihadistes.
Le risque est que, à la faveur du départ des Etats-Unis, les détenus échappent au "contrôle positif" des Kurdes et "fuient du nord-est de la Syrie vers des zones du monde plus permissives d'où ils pourraient poursuivre le combat", met en garde un haut responsable américain.
L'appel américain va s'inviter dans un débat ultrasensible en France, frappée par une vague d'attentats meurtriers souvent planifiés depuis les bastions syriens du groupe jihadiste.
Après avoir clairement fait savoir qu'il préférait voir les Français partis combattre sous la bannière de l'EI être jugés et incarcérés sur place par les Kurdes, le gouvernement français semble progressivement se résoudre à leur retour en raison du retrait des Etats-Unis.
Le département d'Etat américain tente donc de l'inciter dans cette direction, également pour soulager les forces kurdes.
Critiquée par de nombreux alliés mais aussi jusque dans ses propres rangs républicains pour avoir sonné en décembre le départ de manière impromptue, l'administration de Donald Trump tente, par le timing choisi pour cette séquence, de prouver le bien-fondé de sa stratégie.
"Zone de sécurité"
Mardi, le président des Etats-Unis devrait ainsi annoncer, dans son discours annuel sur l'état de l'Union devant le Congrès américain, que 100% des territoires jadis sous le contrôle de l'EI en Irak et en Syrie ont été récupérés. "Nous sommes actuellement à 99%", "nous allons bientôt annoncer 100% du califat", a-t-il encore dit dans une interview télévisée diffusée dimanche.
Une manière de proclamer une victoire sur le groupe jihadiste et de montrer que la mission première des 2.000 soldats américains déployés dans le nord de la Syrie est accomplie.
Mercredi, le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo pourra donc évoquer avec les représentants des 78 autres membres de la coalition cette "étape décisive vers la défaite durable" de l'EI, explique le département d'Etat.
Ils doivent discuter de "la prochaine phase", après le départ américain, "visant à éviter une ré-émergence de l'EI grâce à l'assistance en matière de stabilisation et de sécurité".
Le président américain avait initialement invoqué la défaite de l'EI pour justifier ce départ. Un argument depuis largement contesté, notamment par le renseignement américain, selon lequel le groupe "contrôle encore des milliers de combattants en Irak et en Syrie" et "continuera à représenter une menace pour les Etats-Unis".
Le retrait américain laisse aussi les FDS seules face à la Turquie, autre allié de Washington au sein de la coalition mais qui a multiplié les menaces d'une offensive en Syrie pour éloigner de sa frontière les combattants kurdes, qu'elle accuse d'être des "terroristes".
Si l'administration Trump a promis de tout faire pour que "les Turcs ne massacrent pas les Kurdes", les tractations se poursuivent.
Donald Trump et son homologue turc Recep Tayyip Erdogan ont évoqué une "zone de sécurité" à la frontière. Ankara réclame qu'elle soit instaurée côté syrien, pour "protéger" la Turquie, faute de quoi l'armée turque "s'en chargera".
Mais les Kurdes ont rejeté cette option, qui déplaît aussi à certains alliés européens des Etats-Unis. Selon une source proche des FDS, une piste plus acceptable actuellement envisagée consisterait à créer cette zone tampon à cheval de la frontière, avec la présence de forces de la coalition côté turc.
Enfin, pour montrer que le retrait de Syrie n'est pas incompatible avec la première priorité des Etats-Unis au Moyen-Orient, à savoir contrer l'influence régionale de l'Iran, Donald Trump a suscité l'indignation à Badgad en affirmant vouloir rester en Irak pour "surveiller" Téhéran.
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