"La presse est là pour porter à l'agenda de la société, des pouvoirs publics, voire de la justice des questions ignorées, étouffées: cette affaire est la première affaire #MeToo" en France, a déclaré à la barre le directeur de publication de Mediapart.
Ici, il n'est pas question de la vie privée de Denis Baupin, explique le journaliste, mais de la "parole libérée" de femmes en bute dans leur vie professionnelle à la "domination masculine", à des formes "d'abus de pouvoir".
Dès les premières minutes, l'atmosphère est tendue au tribunal correctionnel. D'un côté la presse, venue défendre le droit de porter le fer dans les plaies de la société, de l'autre l'avocat nerveux d'un plaignant absent, qui renvoie Mediapart, France Inter et des femmes l'accusant de violences sur le banc des prévenus.
"C'est assez inhabituel de saisir le tribunal pour voir laver son honneur et d'avoir peur de se présenter devant lui", lance Basile Ader, l'avocat de France Inter.
Le conseil du plaignant, Emmanuel Pierrat, rétorque que Mathieu Gallet, ex-PDG de Radio France, n'est pas là non plus et rappelle que Denis Baupin a largement répondu aux enquêteurs, dans une affaire où il n'a finalement jamais été poursuivi.
Cette affaire avait vocation à ne jamais arriver au tribunal: après 10 mois d'investigations, le parquet de Paris a classé sans suite son enquête en mars 2017, considérant que si les faits dénoncés étaient "pour certains d'entre eux susceptibles d'être qualifiés pénalement (...) ils sont cependant prescrits".
"Non, c'est non"
La justice s'était saisie le 10 mai 2016, au lendemain des accusations lancées contre l'élu écologiste sur Mediapart et France Inter par huit femmes - quatre anonymes et quatre élues écologistes: Isabelle Attard, Annie Lahmer, Elen Debost et Sandrine Rousseau, toutes présentes à l'audience.
Denis Baupin, alors vice-président de l'Assemblée nationale, avait nié farouchement ces allégations, en arguant de "jeux de séduction" entre "adultes".
Plantant le décor, le président a relu quelques témoignages: une nuque caressée lors d'une réunion politique, une femme "plaquée contre un mur", des SMS insistants ou salaces comme ce "je suis dans un train et j'aimerais te sodomiser en cuissardes".
Pour Edwy Plenel, "l'enquête minutieuse, exemplaire, patiente de Mediapart" a permis de poser la question du rapport de forces en politique et du consentement: "Quand on dit non, c'est non".
Le journaliste explique que l'enquête débute en juillet 2015, lors d'un déjeuner avec Isabelle Attard, alors députée écologiste. Faute de témoignage non anonyme, les recherches s'enlisent jusqu'en mars 2016, quand Denis Baupin poste une photo de lui, rouge à lèvres très vif, pour la Journée de la femme, suscitant des réactions. Un tweet alerte: "Pas toi, pas ça".
L'enquête reprend. "Rien à voir avec la politique", précise-t-il, alors que l'avocat de M. Baupin suggère une volonté d'atteindre l'épouse de son client, Emmanuelle Cosse, entrée au gouvernement en février.
Edwy Plenel dénonce les pressions de Denis Baupin qui cherche d'abord à "empêcher la parution de l'article" puis demandera son retrait du site: "du jamais vu en plus de 40 ans de journalisme".
Me Pierrat rappelle que son client a accepté un entretien "OFF", cite une femme qui a nié être une victime auprès des enquêteurs, affirme que certaines accusatrices ont pu être les maîtresses de son client.
Arguments balayés par Edwy Plenel: jamais de OFF pour des "faits d'intérêt public", les témoins se rétractent parfois "sous la pression", "les faits d'agression peuvent accompagner des relations sexuelles", même au sein d'un couple.
Me Pierrat s'agace, traite la journaliste auteure de l'article de Mediapart de "mormone en chef", demande à Edwy Plenel s'il pense "avoir toujours raison".
"Je doute toujours. Mais quand c'est publié c'est que j'assume", répond ce dernier. Si M. Baupin avait envoyé un droit de réponse, "il aurait été publié sur le site, selon les règles de Mediapart".
Le procès est prévu jusqu'à vendredi.
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