En pleine polémique sur les "violences policières", la CGT et la Ligue des droits de l'homme (LDH) avaient tenté mercredi lors d'une audience tenue en urgence de convaincre les juges administratifs d'interdire cette arme selon eux "dangereuse", à l'origine de nombreuses blessures graves et utilisée plus de 9.200 fois depuis le début du mouvement de contestation sociale.
Les arguments étaient nombreux: "arme mutilante", doute sur les "conditions légales d'utilisation", "formation insuffisante". Ils ont tous été balayés par la plus haute juridiction administrative, qui a pleinement entendu la voix du gouvernement.
"Extrêmement déçus", les requérants ont aussitôt annoncé le dépôt d'un nouveau recours - au fond et non plus en urgence - qui ne sera pas examiné avant plusieurs mois, a annoncé à l'AFP l'avocat de la LDH, Patrice Spinosi.
Pour le Conseil d'Etat, le risque de réitération "d'actes de violences et de destruction" au cours des prochaines manifestations "rend nécessaire de permettre aux forces de l'ordre de recourir à ces armes, qui demeurent particulièrement appropriées pour faire face à ce type de situations, sous réserve du strict respect des conditions d'usage".
Le juge des référés a estimé que "contrairement à ce que les demandeurs affirmaient, l'organisation des opérations de maintien de l'ordre mises en place lors des récentes manifestations ne révélait pas une intention des autorités de ne pas respecter les conditions d'usage, strictes" de ces armes dites de "force intermédiaire".
"Incompréhensible"
Mercredi, devant le Conseil d'Etat, les requérants avaient décrit une "escalade de la violence" dans la répression. Ils avaient pointé un usage massif des LBD devenu "une composante structurante du niveau de violence dans les manifestations".
Selon le collectif militant "Désarmons-les", 20 personnes ont été gravement blessées à l'œil -la plupart éborgnées- par la police depuis le début du mouvement. La 12e journée de mobilisation des "gilets jaunes" samedi sera dédiée aux blessés - plus de 1.900 depuis le début du mouvement social selon les chiffres officiels.
De source policière, 116 enquêtes ont été ouvertes par l'Inspection générale de la police (IGPN) après des plaintes de manifestants. Selon une source proche de l'enquête, au moins 36 de ces enquêtes visent à déterminer si le LBD est en cause. Selon cette même source, "dix blessures très graves au niveau des yeux" ont été comptabilisées jusqu'à présent.
Le Conseil d'Etat a "constaté que l'usage du LBD avait dans la période récente provoqué des blessures, parfois très graves, sans qu'il soit possible d'affirmer que toutes les victimes se trouvaient dans les situations visées par le code de la sécurité intérieure, seules à mêmes de justifier une telle utilisation".
En France, les forces de l'ordre peuvent se servir de cette arme tirant des balles de caoutchouc de 40 mm de diamètre - jugée "dangereuse" par le Défenseur des droits et que de nombreux pays européens n'utilisent pas dans des opérations de maintien de l'ordre - dans des conditions proches de la légitime défense et doivent exclusivement viser le torse ou les membres.
"Il est regrettable que le Conseil d'Etat constate la gravité des blessures et n'en tire aucune conclusion immédiate", a réagi Me Spinosi.
"Cette décision me surprend. Je suis quand même le vingtième oeil qui tombe dans ce mouvement. C'est aberrant, incompréhensible", a commenté à l'AFP Jérôme Rodrigues, figure des "gilets jaunes" blessée samedi dernier.
De son côté, le premier syndicat chez les policiers, Alliance, a salué une "sage décision". Sans cette arme non-létale, "compte tenu de la violence de certains casseurs, on court le risque de voir des fonctionnaires de police contraints d'utiliser leur arme de service en légitime défense", a déclaré à l'AFP Frédéric Lagache, le secrétaire général adjoint.
Une décision qui conforte le gouvernement et la Direction générale de la police nationale (DGPN) dans sa "doctrine du maintien de l'ordre": "éviter le contact" parce que "le corps à corps peut occasionner des dégâts bien plus importants", comme a su en convaincre le Directeur général de la police nationale (DGPN) Eric Morvan lors de l'audience de mercredi.
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