Avant que la cour parte délibérer, les accusés ont dit leurs derniers mots dans ce procès, la voix étranglée par les sanglots. "Je reconnais en tant que policier que je n'aurais jamais dû amener Emily Spanton dans les locaux de la BRI", a démarré Nicolas R., à la barre, à moins de trois mètres de son accusatrice. "Toute ma vie, j'ai eu de bons rapports avec les femmes. Je n'ai jamais, jamais, jamais agressé, violenté, violé Emily Spanton", a-t-il ajouté. "Vous allez décider de ma vie. Je ne suis pas un violeur".
"Ca fait 5 ans que c'est un cauchemar pour moi, ma famille, mon fils qui m'a dit ce matin: + Rentre pas tard ce soir +", a enchaîné Antoine Q. "On ne peut pas faire ça à une femme, et on ne peut faire endurer ça à un homme", a-t-il déclaré. "J'ai peut-être été infidèle mais je n'ai jamais violé une femme. Je n'ai jamais violé cette femme", a affirmé l'accusé. "C'est ma vie que vous avez entre vos mains et je vous fais confiance".
Plusieurs dizaines de policiers sont venus soutenir leurs collègues, qui encourent vingt ans de réclusion criminelle pour "viol en réunion". Certains ont pris dans leurs bras les accusés, qui ont ensuite été placés dans une salle dédiée le temps du délibéré.
Mercredi, l'avocat général Philippe Courroye a requis sept années d'emprisonnement contre ces hommes. "Mon intime conviction, c'est qu'au cours de cette nuit du 22 au 23 avril, dans les locaux de la BRI, Emily Spanton a bien été une victime non consentante d'actes sexuels", a-t-il expliqué. Ces policiers ont, selon lui, abusé d'"une proie vulnérable", une étrangère, très fortement alcoolisée.
Sans collant
Mais pour l'avocate d'Antoine Q., Anne-Laure Compoint, "des certitudes dans ce dossier, il n'y en a pas". "S'il n'y a pas de certitudes, ça s'appelle le doute, et le doute profite à l'accusé".
Les accusés seront-ils condamnés ou acquittés? La tâche de la cour est difficile, tant les témoignages ont été divergents, tant la parole de l'accusatrice a été mise en doute. Les ratés de l'enquête dans les premières heures ont également pesé sur le procès: la scène de crime présumée n'avait pas été sanctuarisée, les policiers avaient pu repartir chez eux, sans même faire de test d'alcoolémie.
Et le temps a passé: près de cinq ans après les faits, souvent, la difficulté de se souvenir a été exprimée à la barre.
Une chose est établie: quand Emily Spanton est arrivée à 00H40 au "36", qui était alors le siège de la police judiciaire, elle marchait en titubant et elle était joyeuse. A 02H00, elle était par contre "en état de choc", sans collant, et elle affirmait avoir été violée.
Mais sur ce qu'il s'est passé dans les bureaux, au cinquième étage du "36", les versions sont "totalement opposées", a rappelé l'avocat général.
Emily Spanton, aujourd'hui âgée de 39 ans, dit avoir subi plusieurs fellations et pénétrations vaginales forcées. Il y aurait eu trois hommes, mais le troisième n'a jamais été identifié.
Selon la version des policiers, Emily Spanton aurait fait une fellation consentie à Nicolas R., mais celui-ci aurait eu "une panne". Puis l'accusatrice, déçue, serait allée dans le bureau d'en face, en short, seins nus, où se trouvaient Antoine Q. et un autre collègue.
Elle aurait dansé, demandé à être prise en photo sous le ventilateur auquel était suspendu un string noir. Selon Antoine Q., elle aurait changé d'attitude après le départ de Nicolas R. et parce qu'elle croyait que celui-ci était parti avec sa veste.
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