Chaque mardi, mercredi et vendredi depuis début décembre 2018, c'est l'effervescence dans les préfabriqués qui ont été mis à disposition par l'Université de Rouen.
Une soixantaine de jeunes migrants, des MNA comme mineurs non-accompagnés, suivent désormais les cours qui sont dispensés bénévolement par des enseignants et des étudiants. Des cours de français pour tous les niveaux, de mathématiques et parfois d'Histoire ou d'anglais. Pour ces jeunes guinéens, burkinabés ou maliens qui ont souvent vécu l'enfer avant d'arriver en France, ces classes représentent un premier espoir vers l'intégration. C'est le cas de Sekoukaba, qui a justement quitté la Guinée-Conakry quand son père est tombé malade et qu'il n'a pas pu continuer à financer ses études. "J'ai adoré les cours, explique-t-il. Je vois que je peux y arriver. En Guinée, je n'ai pas terminé mais ici, je sais que je peux continuer mes études et c'est ce que je souhaite." Sekoukaba, comme ses camarades, a été évalué lors de son premier cours avec le collectif de bénévole. Il fait partie du niveau collège. Mercredi 30 janvier 2019, ils étudiaient et débattaient du texte d'Albert Camus, écrit au lendemain du bombardement nucléaire sur Hiroshima.
À côté, d'autres jeunes réfugiés, de niveau primaire, travaillent sur le son "oi" avec un jeu de sept familles. À côté encore, d'autres jeunes ont encore tout à apprendre de la lecture et de l'écriture du français. C'est le cas de Soumaila qui vient du Mali. "On n'a pas fait l'école chez moi mais on parlait déjà en français, explique-t-il. On nous aide depuis décembre et ça fait vraiment plaisir. Pour moi c'est essentiel de pouvoir lire et écrire".
"Redonner de la dignité"
Une centaine d'enseignants et d'étudiants sont inscrits sur la plateforme interne qui a été créée au sein de l'université de Rouen pour donner ces cours, même si surtout "une vingtaine de membres sont actifs", précise Fabienne Leconte, enseignante en sciences du langage et élu FSU au conseil d'administration de l'université. C'est elle, entre autres, qui est à l'origine de ces cours. "Le déclic a été quand la police est intervenue pour faire évacuer l'amphithéâtre, occupé par ces jeunes qui étaient dans la rue", évoque-t-elle comme un souvenir marquant. Il fallait passer à l'action, sur le champ de compétences de l'université, par l'éducation. La présidence s'est montrée favorable et met à disposition les locaux, donne des tickets aux MNA pour les repas du midi et paye même désormais des tickets de bus pour que les jeunes puissent se rendre à Mont-Saint-Aignan.
Des jeunes diplômés en psychologie assurent également des permanences les mercredis après-midi pour que ceux qui le souhaitent puissent échanger sur leur cas personnel.
"On leur redonne une forme de dignité, on s'adresse à leur intelligence. C'est très important, reprend Fabienne Leconte. Ils ne sont pas seulement des poids que l'on ballotte à droite et à gauche dans des hôtels."
Des cours qui sont donc résolument utiles mais qui viennent cacher un déficit de prise en charge de ces jeunes. "Certains sont reconnus mineurs depuis septembre et pris en charge pas l'ASE mais ils ne sont toujours pas scolarisés et ne sont dans aucun programme de formation", déplore la professeure en rappelant qu'il s'agit d'un droit fondamental.
L'hébergement en est un autre. Dernièrement, le Département de Seine-Maritime, qui est compétent pour la prise en charge des MNA, reconnaissait que les places manquaient. Beaucoup sont hébergés en hôtel ou dans des familles d'accueil des réseaux associatifs.
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