Il espère que ce succès permettra de donner un coup de projecteur à une cuisine souvent ignorée.
Comme celle de bon nombre des 85.000 habitants de Hong Kong originaires de l'Asie du Sud, sa famille vit là depuis plusieurs générations.
Son arrière-grand-père est arrivé dans ce qui était un poste avancé de l'empire colonial britannique durant la Première Guerre mondiale, où il s'occupait des mess des soldats de la couronne. Son père, entrepreneur aux casquettes multiples, diplomate à ses heures, avait aussi dans les années 1980 et 1990 un restaurant de curry.
Asim Hussain, 33 ans, co-dirige un groupe qui comptait déjà une vingtaine de restaurants à Hong Kong dans son portefeuille quand il a décidé de se lancer dans son aventure la plus personnelle et la plus risquée: un établissement servant les plats du Punjab, berceau de sa famille au Pakistan où il fut envoyé en internat à six ans.
C'est son père qui lui a suggéré de récupérer les deux tandoor, fours servant à la préparation de plats tandoori, qui prenaient la poussière dans son restaurant aujourd'hui fermé.
"Il est d'une génération qui ne jette rien", dit Asim Hussain. "En fait, on a des meilleurs résultats qu'avec des fours neufs car ce genre de choses se bonifient avec l'âge", ajoute-t-il dans son restaurant décoré de tableaux de peintres pakistanais.
Ces fours, des fréquents aller-retour avec Lahore pour perfectionner les recettes et l'embauche du chef Palash Mitra ont valu au New Punjab Club une étoile à l'édition Hong Kong-Macao du Michelin à peine 18 mois après son ouverture.
"Source de fierté"
Cette réussite a fait les gros titres au Pakistan, où il est peu probable qu'un restaurant obtienne une telle distinction dans un avenir proche et où les chefs se sentent de longue date ignorés, dans l'ombre des cuisines reconnues de l'Inde voisine.
"On est très fiers, on est très heureux", dit à l'AFP Waqar Chattha, à la tête de l'un des restaurants les plus connus d'Islamabad. "Dans la fraternité de la restauration, c'est une grande réussite. Cela crée aussi en quelque sorte un nouveau standard pour les autres".
M. Hussain est prompt à souligner que son établissement ne sert qu'un seule type de cuisine parmi les nombreuses spécialités régionales de son pays, les plats épicés et souvent bien lestés en viande du Punjab. La facture n'est pas non plus aérienne, y dîner peut coûter jusqu'à une centaine d'euros par tête.
"Je ne suis pas arrogant ni ignare au point de prétendre que c'est le meilleur restaurant pakistanais au monde. Il y a de meilleurs restaurants pakistanais que celui-ci au Pakistan", ajoute-t-il. Malgré tout, cette étoile est une "grande source de fierté" pour les 18.000 Pakistanais de Hong Kong, selon lui.
"C'est une histoire personnelle très confidentielle qui prend vie. Cette culture, cette cuisine est méconnue en dehors du Pakistan, en dehors du Punjab, et à notre modeste niveau, nous avons mis un coup de projecteur sur ce travail, sur qui nous sommes et d'où nous venons".
L'arrivée du Michelin et d'autres guides gastronomiques occidentaux en Asie n'a pas été sans controverse.
Les esprits chagrin reprochent souvent aux critiques de faire la part belle aux normes culinaires, goûts et style de service occidentaux.
Se revendiquer Pakistanais
Daisann McLane est l'une de ces détractrices. Le débarquement du Michelin à Bangkok l'année dernière a "complètement changé la scène gastronomique là-bas, et pas en bien", accuse-t-elle.
Elle organise des tournées culinaires dans les établissements moins sélect de Hong Kong, comme les "dai pai dong" -ces stands installés en pleine rue, les cantines d'Afrique et d'Asie du Sud cachées dans le labyrinthe du complexe résidentiel de Chungking Mansion, ou encore les "cha chan teng" connus pour leurs thés sucrés.
Elle est "ravie" que le New Punjab Club ait été récompensé mais elle a ses réserves. "Beaucoup de cuisines du monde sont sous les radars à Hong Kong et elles ne sont pas remarquées par le Michelin ou les grands guides".
En attendant, certains pensent que toute récompense est bonne à prendre pour la gastronomie pakistanaise.
Sumayya Usmani, cheffe à la double nationalité britannique et pakistanaise, a essayé pendant des années d'attirer l'attention sur les saveurs typiques de la cuisine pakistanaise.
Quand elle avait contacté des éditeurs au sujet de son livre de recettes, beaucoup avaient hésité.
Mais ces dernières années, les choses ont changé, estime-t-elle. En Occident, les restaurants gérés par des Pakistanais, qui pouvaient jadis se présenter comme indiens, proclament plus fièrement leur vrai héritage culinaire, dit-elle.
"C'est bien que les gens n'aient plus peur de se qualifier de Pakistanais", déclare-t-elle à l'AFP.
Asim Hussain explique que le plus dur commence. "Je plaisante avec les gars et je dis +On est le premier restaurant punjabi pakistanais à obtenir une étoile, ne soyons pas le premier à en perdre une+".
A LIRE AUSSI.
Guide Michelin: trois étoiles attendues pour les chefs Marc Veyrat et Christophe Bacquié
Les étoiles du guide Michelin dévoilées lundi
En attendant les gagnants, Marc Veyrat grand perdant du Michelin 2019
Une, deux ou trois étoiles ? Le guide Michelin dévoile son palmarès 2019
Le Michelin fait souffler un vent nouveau, décoiffe des stars comme Marc Veyrat
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.