À Corrego do Feijao, faubourg de Brumadinho où est située la mine dont l'un des barrages a cédé vendredi, 20 habitants manquent à l'appel, la plupart employés du géant minier Vale.
La boue a tout emporté et depuis, Cleyton Candido est sans nouvelle d'un neveu et de plusieurs amis.
"Je suis en train de vivre un film d'horreur. Ce sont des gens avec qui j'ai grandi. Je ne sais pas comment je vais pouvoir surmonter tout ça", affirme ce mécanicien de 38 ans devant sa maison, juste à côté du cimetière.
Comme beaucoup de ses amis, il a été embauché par Vale dès l'âge de 16 ans. Il a travaillé neuf ans dans un atelier proche du secteur administratif dévasté par le tsunami de résidus miniers qui a déferlé vendredi. C'est à cet endroit qu'ont péri le plus grand nombre de victimes.
Trois jours après la catastrophe, 65 corps ont été retrouvés et les chances de retrouver vivantes les 279 personnes toujours portées disparues sont de plus en plus minces.
Pour contribuer à sa manière aux opérations en cours, Cleyton Candido a décidé lui aussi de creuser des tombes.
La petite église juste en face est devenue un centre de commandement improvisé des pompiers.
C'est sur la pelouse attenante qu'atterrissent les hélicoptères ramenant les corps, recouverts de plastique et enveloppés dans de grands filets noirs tractés par de longs câbles.
Masse visqueuse
À un kilomètre de là, le paysage est apocalyptique, un océan marron recouvrant toute la végétation. La chaleur fait remonter l'odeur fétide des corps enterrés dans la boue, mais le soleil reste l'un des principaux alliés des secouristes.
"La boue est encore trop liquide, mais avec l'évaporation les sédiments descendent et les corps remontent vers la surface", explique le lieutenant colonel Eduardo Angelo Gomes, commandant du bataillon d'urgence environnementale des pompiers.
Les secouristes marchent avec prudence. Un pas de travers et toute la jambe s'enfonce dans cette masse visqueuse dont on ne connait pas encore la toxicité.
Recouverte de boue marron sur son pelage blanc, une vache a été mise hors de danger par une douzaine de pompiers venus sur place pour tenter de faire remonter à la surface un bus englouti, avec plusieurs corps à l'intérieur.
La récupération des corps est un travail long et minutieux, la zone de recherches s'étendant sur une dizaine de kilomètres.
Colère et désolation
Cette lenteur est une souffrance de plus pour les proches de disparus, exaspérés par le manque d'informations.
José Ferreira da Silva, ouvrier de 55 ans, a tenté de se rendre sur place par ses propres moyens pour retrouver son fils Josué, 27 ans, employé d'une entreprise sous-traitante de Vale.
Il a essayé d'emprunter discrètement un chemin qui passe par les bois, mais a été repéré par des policiers, qui lui ont interdit l'accès à la zone, jugée trop dangereuse.
"Je suis de la campagne et je sais où je mets les pieds. Nous voulons juste essayer de faire quelque chose", raconte-t-il, tentant en vain de retenir ses larmes.
Nathanael de Jésus Bispo, 21 ans, est sans nouvelles de son père, d'un cousin et de cinq amis.
Pour ce mécanicien, la douleur s'est transformée en colère, avec la sensation de revivre un cauchemar, trois ans après la catastrophe de Mariana, à 120 km de Brumadinho, quand un autre barrage d'une mine de Vale en copropriété avec l'anglo-australien BHP a cédé, faisant 19 morts et causant d'immenses dégâts environnementaux.
"Le président de Vale savait le risque encouru pas ses employés, mais ce n'était pas des membres de sa famille qui étaient là-bas. Ils utilisent ces travailleurs comme mon père comme des objets jetables, comme à Mariana il y a trois ans", s'insurge Nathanael.
"Mon père va seulement grossir les statistiques et trois ou quatre ans plus tard, ça va se reproduire, parce que c'est l'argent qui commande tout ici".
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