La plus haute instance judiciaire pakistanaise, qui avait acquitté Asia Bibi le 31 octobre 2018, s'est opposée à l'ouverture d'une procédure en appel contre cette décision, réclamée par Qari Saalam, l'imam du village où Asia Bibi avait été accusée de blasphème.
"Ce recours est rejeté", a déclaré le juge Asif Saeed Khosa au terme d'une audience qui a démarré vers 13H30 (08H30 GMT) et a duré un peu plus d'une heure.
Plus rien n'empêche désormais Asia Bibi de quitter ce pays musulman très conservateur où elle vit sous haute protection, étant de longue date une cible pour les extrémistes.
Alors que la France a déclaré accepter d'accueillir Mme Bibi, le Premier ministre canadien Justin Trudeau avait affirmé en novembre dernier à l'AFP que son pays était "en discussions" avec Islamabad à ce sujet.
Asia Bibi, condamnée à mort en 2010 pour blasphème, a été libérée le 8 novembre 2018 de la prison de Multan (centre), où elle était détenue. Elle réside depuis lors dans un lieu sûr au Pakistan, ont affirmé à de multiples reprises les autorités.
La décision de la Cour suprême était attendue en ce sens, selon des experts en droit.
La décision d'acquittement avait en effet été rédigée de manière très détaillée par le juge Khosa, un expert en justice criminelle devenu entretemps lui-même le président de la Cour suprême.
"Dans une autre affaire, j'aurais accusé les témoins de parjure et je les aurais envoyés en prison", a tonné le premier magistrat pakistanais en rendant sa décision mardi.
Couloir de la mort
Mme Bibi, ouvrière agricole chrétienne âgée d'une cinquantaine d'années, avait été condamnée à mort en 2010 pour blasphème à la suite d'une dispute avec des villageoises musulmanes au sujet d'un verre d'eau.
Son cas a eu un retentissement international, attirant l'attention des papes Benoît XVI et François. L'une de ses filles a rencontré ce dernier à deux reprises.
L'affaire Asia Bibi divise le Pakistan où le blasphème est un sujet extrêmement sensible. Des accusations suffisent à provoquer des lynchages meurtriers.
Les défenseurs des droits de l'homme voient en Asia Bibi un symbole des dérives de la loi réprimant le blasphème au Pakistan souvent instrumentalisée, selon ses détracteurs, pour régler des conflits personnels.
Une quarantaine de personnes condamnées pour blasphème se trouvent actuellement dans le couloir de la mort au Pakistan, selon une estimation de la Commission internationale pour la liberté religieuse des Etats-Unis datant de 2018.
Après l'acquittement de Mme Bibi, des milliers d'islamistes avaient bloqué trois jours durant les principaux axes du pays pour exiger sa pendaison, poussant le gouvernement du Premier ministre Imran Khan à signer un accord controversé avec eux.
L'exécutif s'était engagé à lancer une procédure visant à interdire à Asia Bibi de quitter le territoire et à ne pas bloquer la requête en révision du jugement que doit examiner la Cour Suprême. L'accord a été critiqué par de nombreux Pakistanais, furieux que l'Etat ait cédé face aux extrémistes.
Fin novembre, des centaines de sympathisants du parti islamiste Tehreek-e-Labaik Pakistan (TLP), à l'origine des blocages dans le pays, ont toutefois été arrêtés. Khadim Hussain Rizvi, le bouillonnant chef du TLP, est accusé de rébellion et de terrorisme, selon l'exécutif. De telles accusations sont passibles de la prison à vie.
"Nous n'accepterons en aucun cas un jugement contre le Coran", avait averti plus tôt mardi le TLP dans un communiqué, promettant "un mouvement qui sera vu par le monde entier" si la justice rendait une décision favorable à "la blasphématrice".
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