Pour conquérir samedi l'Open d'Australie, son second titre majeur consécutif quatre mois après l'US Open gagné face à la légende Serena Williams, cette athlète aux cheveux châtains bouclés et à la peau mate s'est une nouvelle fois appuyée sur son extraordinaire puissance de frappe et une capacité rare à se sublimer dans les grands événements.
Mais si la nouvelle N.1 mondiale, pourtant discrète et réservée, fait tant parler d'elle, c'est surtout pour son incroyable parcours familial.
Née le 16 octobre 1997 dans la ville éponyme, Osaka a quitté à l'âge de 3 ans le pays dont elle porte les couleurs. Emigrée à New York avec son père, Leonard François, originaire d'Haïti, sa mère japonaise, Tamaki, et sa soeur Mari, elle réside toujours aux Etats-Unis, à Fort Lauderdale (Floride), et possède la double nationalité nippo-américaine.
Formée à la Williams
Ses idoles de jeunesse ne viennent d'ailleurs pas de l'archipel: il s'agit des soeurs Williams.
Son père a consacré une bonne partie de sa vie à la formation de ses deux filles, en s'inspirant du succès obtenu par Richard Williams avec Serena et Venus. "Quand je m'entraînais avec mon père, si ma soeur n'avait pas été là, je ne sais pas si j'aurais tenu", se souvient Naomi, la benjamine pour dix-huit mois, qui confie que Mari, aujourd'hui pourtant dans les tréfonds du classement mondial, la "battait 6-0 jusqu'à ce que j'aie 15 ans".
Lorsqu'elle décroche en septembre dernier son premier titre du Grand Chelem en maîtrisant ses nerfs, et une Serena Williams hors d'elle en finale à New York, Osaka est donc bien loin d'imaginer le retentissement de son exploit à l'autre bout de la planète.
Pourtant, au coeur d'un été marqué par de meurtrières catastrophes naturelles au Japon, la chaîne NHK stoppe sa couverture en continu des événements pour diffuser l'heureuse nouvelle en Une: une joueuse métisse est devenue la première Japonaise à remporter un titre du Grand Chelem, à deux ans des Jeux olympiques de Tokyo.
"Mal à l'aise"
Sans le vouloir, Osaka devient au Japon le symbole de la lutte pour les "hafu" (de l'anglais "half" ou moitié), ces enfants issus de mariages mixtes, qui pâtissent toujours de vifs préjugés raciaux comme l'illustre l'histoire de ses parents, dont l'union a été difficilement acceptée par la famille de sa mère.
Elle qui ne parle même pas japonais couramment se retrouve bombardée de questions et confie être "mal à l'aise". "Je ne pense pas vraiment au fait que je sois un mélange de trois différentes origines", souligne-t-elle, prête néanmoins à endosser son nouveau statut.
"J'ai joué au tennis toute ma vie et c'est le monde dans lequel j'ai grandi", sans aller à l'école, "donc je ne peux pas dire que j'ai subi des brimades mais si je peux aider d'une manière ou d'une autre, je suis partante", glisse la jeune femme, toujours cordiale, polie, presque gênée lorsqu'elle s'adresse à la presse.
Sa jeunesse, son audace, son sourire jovial, son profil cosmopolite font évidemment aussi le bonheur des sponsors. Les marques japonaises - le constructeur Nissan, le géant de l'alimentation Nissin Foods ou le spécialiste des montres Citizen Watch - se sont ruées sur la pépite.
Et l'équipementier Adidas aurait prolongé la championne dans un contrat de sponsoring record, de près de 10 millions de dollars selon la presse. Cela propulserait la joueuse au deuxième rang des athlètes féminines les mieux payées du monde selon Forbes, derrière... Serena Williams.
Cet engouement connaît aussi ses premiers dérapages, comme lorsque la société de nouilles instantanées Nissin a dû cesser en janvier la diffusion d'un dessin animé publicitaire la mettant en scène, après avoir été accusée de lui blanchir sciemment la peau.
L'ascension est fulgurante, mais l'intéressée n'est pas de cet avis. "Moi, je n'ai pas l'impression que ce soit rapide. De l'extérieur, j'imagine que ça le paraît", confie la jeune femme. "Mais j'ai conscience de tout le travail que j'ai fourni. De mon point de vue, j'ai la sensation que ça a été plutôt long." Son règne a en tout cas tout pour l'être.
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