16H45: il filme sa chute en direct
Samedi vers 16H45, la tension monte place de la Bastille entre manifestants "gilets jaunes" et forces de l'ordre, Jérôme Rodrigues s'effondre au sol, alors qu'il filme avec son téléphone en direct.
"Médic, médic, médic. (...) En plein oeil... Appelez les médics!", entend-on hurler à l'image, devenue fixe et cadrée sur le sommet de la colonne de la Bastille. Le blessé sera finalement pris en charge par les pompiers et évacué vers l'hôpital.
Vingt secondes avant sa chute, sa vidéo montre des policiers de la brigade anti-criminalité (BAC) passer en courant devant lui. Resté immobile près de la colonne de la Bastille, au coeur de la place, Jérôme Rodrigues fait face à d'autres forces de l'ordre, positionnées à une dizaine de mètres.
Un projectile du type grenade est alors jeté en tir tendu au sol et roule vers ses pieds. Deux bruits sont entendus: l'explosion d'une grenade puis le tir d'un LBD (doté de balles de caoutchouc de 40 mm de diamètre).
"Tout se passe très vite. On me lance une grenade et je me prends une balle. J'ai été doublement attaqué. Une grenade au pied et la balle", a assuré à LCI Jérôme Rodrigues, qui a porté plainte.
La balle du LBD a été "ramassée" par des témoins et sera mise à disposition de l'IGPN, a affirmé Me de Veulle sur BFMTV.
Selon une source policière interrogée par l'AFP, la blessure est due à l'explosion d'une grenade à main de désencerclement (GMD).
"Ni caméras-piétons, ni sommations" ?
Peu après l'hospitalisation de Jérôme Rodrigues, la préfecture de police puis le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner annonçaient dans des tweet la saisine de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) pour faire "toute la lumière" sur les incidents place de la Bastille. Au 15 janvier, depuis le début du mouvement des "gilets jaunes" le 17 novembre, l'IGPN a été saisie de 81 enquêtes judiciaires, dont 31 pour des blessés "sérieux ou graves" lors des manifestations.
Le parquet de Paris a également ouvert une enquête samedi pour "recherche des causes des blessures", qui ne présage pas à ce stade du type d'arme utilisée ni même d'une implication des forces de l'ordre.
Grenades de désencerclement, LBD: le débat sur l'usage de ces armes en maintien de l'ordre, décriées depuis plusieurs années, a rebondi à mesure des témoignages relayés sur les réseaux sociaux de graves blessures, de mains arrachées et d'énucléations.
La CGT et la Ligue des droits de l'homme (LDH) ont tenté en vain de faire suspendre par la justice administrative l'utilisation des LBD, à la veille des manifestations de samedi.
Face aux accusations, pour la première fois et pour plus de "transparence", les policiers et gendarmes dotés de cette arme non-létale étaient équipés samedi de caméras-piétons.
Selon Me Philippe de Veulle, place de la Bastille, les forces de l'ordre n'avaient "pas de caméras" et n'ont pas fait les sommations d'usage.
"Pacifique" et "pas casseur"
Toujours "en soins" à l'hôpital Cochin, Jérôme Rodrigues, 40 ans, est "sous le choc", va "être handicapé à vie", a affirmé son avocat à BFMTV.
"C'est un membre emblématique du mouvement, apprécié de tous, qui est tout à fait pacifique. (...) Il filme les manifestations, ça s'arrête là", a ajouté Me de Veulle. "Ce n'est pas un casseur", a également affirmé la soeur de Jérôme Rodrigues, un proche d'Eric Drouet, l'une des figures historiques du mouvement.
Sur sa vidéo d'une dizaine de minutes avant sa blessure, le quadragénaire à la barbe poivre et sel très fournie incite à plusieurs reprises des "gilets jaunes" à "partir" de la place de la Bastille car "les +black blocs+ vont attaquer (la police)".
"On lâchera rien", écrit dimanche matin sur Facebook ce père d'une fille, plombier de formation et employé dans le BTP, postant une photo de lui sur son lit d'hôpital, le poing levé et l'oeil droit recouvert d'un pansement.
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