Celui dont la carrière de plus de 50 ans lui a valu une renommée internationale s'est éteint chez lui à Paris "à 03H00 du matin aux côtés de son épouse la comédienne Macha Méril", a indiqué son attaché de presse à l'AFP.
Musicien touche-à-tout, il a travaillé avec les plus grands de Ray Charles à Orson Welles, en passant par Jean Cocteau, Frank Sinatra, Charles Trenet et Édith Piaf.
En plus de trois Oscars, il empoché cinq Grammys, trois César et composé pour des orchestres, pour le jazz ou encore le cinéma grâce à un énergie intarissable.
"Inépuisable talent"
"Je pouvais passer trois nuits d'affilée à écrire", disait-il dans son autobiographie en 2013.
À l'instar d'Aaron Copland ou de Philip Glass, il a été l'élève de Nadia Boulanger, la légendaire pianiste française et l'une des plus grands professeurs de composition du 20e siècle. Au Conservatoire, "Nadia inculquait vraiment le sens de l'effort (...) j'ai (d'elle) l'importance de l'adrénaline", se souvient-il.
Emmanuel Macron a salué un "inépuisable génie", "féru de jazz", dans un communiqué. "Ses airs inimitables qui nous trottent dans la tête et se fredonnent dans la rue sont devenus comme les bandes originales de nos vies", a poursuivi le président de la République.
Pour Mireille Mathieu, qui a régulièrement interprété ses mélodies, "ses envolées musicales, ses compositions et ses arrangements si caractéristiques ont enchanté le monde entier".
D'abord accompagnateur et arrangeur pour des chanteurs, Michel Legrand avait commencé à composer des musiques de films dans les années 60 avec l'émergence de la Nouvelle vague, travaillant pour Agnès Varda ("Cléo de 5 à 7"), Jean-Luc Godard ("Une Femme est une femme"), et surtout Jacques Demy.
Touchée "en plein coeur", Agnès Varda a salué "l'aventure artistique unique" partagée entre le compositeur et son mari Jacques Demy, pour qui il a composé la musique inoubliable des "Parapluies de Cherbourg" et des "Demoiselles de Rochefort".
On lui doit aussi celle de "Peau d'âne", autre chef-d'œuvre de Demy, adapté dans une comédie musicale actuellement à l'affiche à Paris au théâtre Marigny.
"C'est une belle figure de la chanson française. Je suis triste", avouait samedi après-midi une spectatrice juste avant de se glisser dans la salle pour la représentation de 15H00. Sur scène, le directeur du théâtre Jean-Luc Choplin a rendu hommage au compositeur.
Michel Legrand s'était remis à sa table de travail afin de créer des musiques supplémentaires pour cette version scénique à l'affiche jusqu'à la mi-février. Lors de la première représentation, le compositeur avait reçu une émouvante ovation de 20 minutes.
La station de radio RTL a rendu hommage à l'antenne au compositeur de son fameux jingle horaire.
"Être multiforme"
Michel Legrand devait donner deux concerts au Grand Rex, à Paris, en avril, avec quelques "amis" dont la soprano Natalie Dessay et le compositeur Michel Portal.
Le réalisateur Claude Lelouch, qui avait collaboré avec le musicien sur plusieurs longs-métrages, a indiqué au quotidien Le Parisien qu'il préparait avec lui le projet d'"un film sans paroles".
"Pour moi, il est immortel, de par sa musique et sa personnalité", a réagi auprès de l'AFP le compositeur et chef d'orchestre français Vladimir Cosma.
Reconnu en France, il l'était aussi aux Etats-Unis, où il s'était installé en 1966, une décision qualifiée de "partie de roulette russe".
Confronté au "système hollywoodien", il se souvient: "On me demande: +avec quel orchestrateur voulez-vous travailler?+ Quand je réponds que j'orchestre moi-même, on me regarde comme si je débarquais d'une autre galaxie".
C'est Henry Mancini, grand compositeur pour le cinéma, qui lui ouvre les portes d'Hollywood et lui donne l'opportunité d'écrire la musique de "L'affaire Thomas Crown".
Un pari gagnant: Michel Legrand obtient son premier Oscar en 1969 pour la chanson "Les moulins de mon cœur", tirée de ce film. Il en aura deux autres pour "Un été 42" (1972) et "Yentl" (1984).
"Comme certains dieux hindous, Michel est un être multiforme. On a l'impression qu'aucune discipline musicale ne lui résiste", écrivait le compositeur Stéphane Lerouge en avant-propos de l'autobiographie de Legrand.
"Le jour où l'on fera le point sur son apport à la musique, ajoutait-il, on découvrira un créateur que la France a peut-être sous-estimé."
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