"Plus qu'une prison", écrivait l'AFP en 1964 au moment de la pose de la première pierre de ce complexe pénitentiaire de 180 hectares, c'est "un ensemble aux bâtiments clairs, harmonieux et fonctionnels", installé au milieu des champs en Essonne.
Un établissement édifié "dans l'esprit des nouvelles conceptions judiciaires, qui visent à transformer l'univers carcéral traditionnel aux austères citadelles pénitentiaires dont cinéastes et romanciers ont tant de fois décrit les hauts murs rébarbatifs et les lourds barreaux".
Avec ses murs bas et son plan en "panoptique", offrant au gardien du poste de surveillance une large vision sur la détention, les architectes se sont inspirés du philosophe britannique Jeremy Bentham.
Contemporain de la Révolution française, Bentham avait pensé la prison modèle comme un lieu de transparence où la domination s'exercerait moins par la contrainte physique que par l'intériorisation par les détenus du contrôle permanent.
Une utopie qui se traduit par la construction de cinq bâtiments en forme d'hélices à trois branches - les tripales - avec au centre un "poste de contrôle", un système électronique d'ouvertures des portes pour limiter le nombre de surveillants, des interphones en cellules...
Orgueil de l'administration pénitentiaire, Fleury est aussi pensé "pour l'humain". Les cellules de 9m2 prévues pour 3.000 détenus sont individuelles, des ateliers, des terrains de sports y sont installés. Les fenêtres en verre incassables sont sans barreaux pour "découvrir le champ visuel", vantent ses architectes.
"Usine"
"L'aménagement de ce que l'on pourrait appeler des chambrettes est tel que, hormis la privation de liberté, le détenu éprouvera le moins possible un sentiment de déchéance", écrivait aussi l'AFP en 1968.
Construit entre 1964 et 1968 et unique structure en son genre en France, le centre pénitentiaire de Fleury-Mérogis comprend une maison d'arrêt pour hommes - dédiée aux détenus en attente de leur jugement ou condamnés à de courtes peines -, un centre de jeunes détenus et une maison d'arrêt pour femmes.
Mais l'utopie de cette prison modèle qui devait notamment remplacer la vétuste prison parisienne de La Santé, ne dure pas. Moins de 10 ans après son inauguration, Fleury est sous le feu des critiques: trop grande, trop peuplée, trop impersonnelle.
La prison a fait l'objet de rénovations depuis les années 2000. Elle est aujourd'hui occupée à 143%, avec plus de 4.200 détenus, et le taux de suicides y est plus élevé qu'ailleurs.
Fleury, "c'est la pire que j'ai vu", résume Eric Sniady, ancien braqueur et militant de l'Observatoire international des prisons (OIP), qui a passé 30 ans dans les prisons françaises. "C'est l'usine, c'est totalement déshumanisant", dit-il, en mentionnant les violences entre détenus et le peu de contact avec les surveillants.
La prison a vu passer, entre autres détenus célèbres: Jacques Mesrine, la proxénète "Madame Claude", Florence Rey, Michel Fourniret, Yvan Colonna, Jérôme Kerviel. Plus récemment l'islamologue Tariq Ramadan ou le rappeur Booba, et surtout le détenu le plus surveillé de France: Salah Abdeslam, seul membre encore en vie des commandos jihadistes du 13 novembre 2015, incarcéré à l'isolement complet et surveillé par vidéo 24 heures sur 24.
Considérée comme l'une des prisons les plus sûres de France, la "prison dont on ne s'évade pas" comme elle avait été baptisée à sa création, a pourtant connu plusieurs évasions, dont la première par hélicoptère du pays, en 1981.
Johnny Hallyday y a donné un concert en 1982, le chef étoilé Thierry Marx y a mijoté un caviar d'aubergine.
"A Fleury, tout est disproportionné, on n'en fera plus des comme ça. C'est un monstre, un mastodonte, c'est un enfer à gérer", résume Thibault Capelle, du syndicat FO Pénitentiaire. "Par contre, c'est une des prisons les plus fonctionnelles de France", assure-t-il.
"Fleury est hors-norme. A l'époque on pensait sortir les prisons des centre-villes, aujourd'hui on veut créer des structures plus petites, plus ouvertes, au coeur de la ville pour favoriser la réinsertion", explique la direction de l'administration pénitentiaire (DAP), soulignant que "le mythe de la prison idéale change en fonction des époques".
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