Harold Voit sort de son portefeuille une liasse de billets qui s'enflamme. Le feu éteint, les coupures sont intactes: le public de femmes et d'hommes aux vies professionnelles bien remplies applaudit, comblé par cette initiation.
"Apprendre la magie, ce n'est pas seulement apprendre quelques gags, c'est développer sa propre personnalité, sa propre façon de présenter, de parler et de bouger", explique M. Voit, 70 ans, fondateur de la Magic Academy à Pullach, une banlieue chic de Munich (sud).
M. Voit, qui a travaillé plus de la moitié de sa vie en tant que magicien professionnel et instructeur, y voit la raison du succès de ces cours auprès d'élèves dont la vie au travail est pourtant trépidante.
Il a vu défiler tous les styles, du jeune stagiaire au prêtre de 80 ans. "Vous seriez étonné du nombre de situations dans lesquelles la magie peut aider, du flirt à la conclusion d'une affaire", note l'instructeur à la barbe bien taillée et aux yeux rieurs.
La fascination de l'Allemagne pour la sorcellerie et la magie remonte à des siècles mais a connu un fort renouveau dans les années d'après-guerre, quand une population épuisée cherchait divertissement et évasion.
Harry Potter mania
Le boom actuel est dû à deux décennies de "Harry Potter mania", aux tutoriels en ligne, vus des centaines de milliers de fois et à la prise de conscience qu'un peu de magie peut faire beaucoup de bien dans la vie réelle.
En Allemagne, les magiciens les plus réputés remplissent des stades de football. L'illusionniste allemand Marc Weide, 27 ans, a même remporté le titre de meilleur magicien de salon au championnat du monde qui a eu lieu en juillet à Busan, en Corée du Sud, en battant un rival pourtant capable de faire disparaître et réapparaître 10 colombes et quatre moutons.
Les cours du soir dispensés par M. Voit permettent d'obtenir, assure-t-il, les premiers diplômes d'illusionnistes reconnus par l'État allemand.
Mais la plupart des élèves qui s'engagent à suivre des cours hebdomadaires pendant deux ans pour 750 euros sont venus lui demander quelque chose de plus qu'un lapin sortant d'un chapeau.
Un des élèves, Marco Hafenrichter, 46 ans, est à la tête d'une entreprise du BTP. "Je cherchais un équilibre dans ma vie. Pour l'instant, mon plus grand fan est mon fils, mais d'ici la fin du cours, j'aimerais maîtriser six ou sept tours".
Un "autre monde"
Marianne Hofmann, 67 ans, directrice dans le secteur des technologies de l'information, dit apprécier tout ce qu'elle apprend sur "la psychologie humaine" et qu'elle peut utiliser pour capter "l'attention d'un public".
Elle juge que la culture d'entreprise allemande manque parfois de fantaisie. "Peut-être sommes-nous un peu trop rationnels et que nous aspirons à réaliser quelques rêves."
Thomas Fraps, 51 ans, est titulaire d'un doctorat en physique mais a attrapé le virus de la magie pendant ses études. Il se produit tous les mois depuis près de 25 ans dans ce qui est selon lui le plus ancien numéro de magie en Allemagne.
Il rappelle que les illusions ont été vues à l'époque des Lumières au XVIIIe siècle comme un outil pour faire avancer la pensée rationnelle.
"L'ironie, c'est que plus les gens apprenaient la magie, plus ils démystifiaient des choses qu'ils voyaient et qu'ils ne comprenaient pas", souligne M. Fraps. "Aujourd'hui, pour les chefs d'entreprise ou les docteurs en physique, c'est formidable de plonger dans un autre monde".
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