A Paris, le cortège parti dans le calme à la mi-journée des Invalides, le point de rendez-vous principal annoncé sur les réseaux sociaux, avait atteint la place d'Italie à 14H30, avant de retourner d'un bon pas au point de départ.
"Je gagne 4.000 euros par mois, j'ai trois voitures et deux motos, tout va bien pour moi. Mais je suis mobilisé depuis le début car je ne peux plus supporter de voir les jeunes autour de moi qui ne peuvent pas vivre correctement", dit Eric, 58 ans, électrotechnicien de Nemours.
Dans la capitale, à Rennes, Bordeaux ou Montpellier, des pancartes proclamaient "le roi Macron et sa cour déconnent", "On n'arrête pas l'histoire avec des flashball" ou "60 milliards d'euros par an d'évasion fiscale". Les manifestants scandaient "Macron démission" et "Castaner, nique ta mère", un slogan devenu courant ces dernières semaines.
A Bordeaux, où plus d'un millier de personnes se sont rassemblées, Michel Garriga, retraité de 68 ans, estime que le grand débat, une initiative inédite du gouvernement qui doit durer deux mois, "ne changera rien" face à un président qui "méprise le peuple".
A Grenoble, 1.500 personnes défilaient dans le calme. Ils étaient 2.000 à Belfort, venus d'Alsace, des Vosges ou de Franche-Comté, encadrés par de très discrètes forces de l'ordre.
Beaucoup réclament un "référendum d'initiative citoyenne", "plus de démocratie". Dans la foule, à Rennes, le dos d'un manifestant prévient: "Injustice fiscale, colère sociale".
L'ambiance était globalement bon enfant. A Paris, pour la première fois, les manifestants restaient groupés sur le parcours annoncé.
A la mi-journée, douze interpellations avaient eu lieu à Paris, "essentiellement pour port d'arme prohibé", selon la préfecture de police. Les précédents samedis avaient très vite été émaillés de violents heurts dans la capitale.
Les autorités s'attendent à une mobilisation "au moins égale à la semaine dernière", selon une source policière. Samedi dernier, 80.000 manifestants avaient été recensés, loin des centaines de milliers rassemblés en novembre ou décembre.
Faute d'organisateurs, le mouvement est soumis au seul comptage officiel du ministère de l'Intérieur mais certains manifestants ont décidé de proposer leur propre décompte sur une page Facebook intitulée "Le nombre jaune".
D'autres rassemblements sont également annoncés à travers le pays, à Toulouse, Marseille, Lyon, Saint-Etienne, Roanne, Valence, Clermont-Ferrand, Montélimar, Dijon, Nevers, Montceau-les-Mines, Toulon, Avignon...
L'exécutif a mis en place un dispositif d'ampleur comparable au week-end précédent, soit environ 80.000 policiers et gendarmes en France, dont 5.000 à Paris.
Cet acte 10 clôture une semaine marquée par une vive polémique sur l'usage du lanceur de balle de défense (LBD) par les forces de l'ordre et les blessures graves subies par de nombreux manifestants.
Caméras-piétons
Christophe Castaner a encore défendu vendredi son usage lors des opérations de maintien de l'ordre. Sans cette arme, les forces de l'ordre n'auraient plus d'autre option que le "contact physique" et il y aurait "beaucoup plus de blessés", a estimé le ministre de l'Intérieur.
Il s'est également dit "sidéré" par les accusations de violences policières, malgré certaines vidéos qui montrent un usage du LBD sans menace immédiate sur le tireur.
Face à la controverse, les policiers de l'Ain porteurs de LBD lors de manifestation de Bourg-en-Bresse seront aussi équipés de "caméras-piétons".
Au-delà des rassemblements prévus samedi, la mobilisation doit se poursuivre dimanche dans plusieurs villes.
Des femmes "gilets jaunes" appellent à une manifestation à Paris, inspiré par l'événement pacifique qu'elles avaient déjà organisé le 6 janvier.
Dimanche verra également l'arrivée d'un "gilet jaune" moins connu dans la capitale: José Manrubia. Parti d'Arles (Bouches-du-Rhône) le 16 décembre, cet artiste plasticien rallie Paris à pied après 34 jours de marche.
Pour lui, malgré le grand débat lancé par Emmanuel Macron, pas question de désarmer sans l'instauration du référendum d'initiative citoyenne (RIC).
"C'est la revendication principale de 90% des ronds-points", estime-t-il. "Après 40 ans d'une politique de droite ou de gauche où les intérêts privés ont prévalu sur l'intérêt général, on veut pouvoir prendre en main notre destinée."
Réticent face à cette revendication, le chef de l'Etat privilégie le "débat national" qu'il a lancé cette semaine avec deux déplacements en régions. Pouvoir d'achat, fiscalité, démocratie et environnement: avec ces thèmes, le président espère répondre à tous les mécontentements.
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