Son horizon sentimental, bouché, pourrait toutefois s'éclaircir si le Premier ministre pakistanais Imram Khan concrétise une récente ambition d'accorder la nationalité pakistanaise aux Afghans nés dans le pays, soit potentiellement plus d'un million de personnes.
Le Pakistan abrite l'une des plus importantes populations de réfugiés au monde, estimée à 2,4 millions de personnes, dont environ 1 million de clandestins. Certains sont là depuis quatre décennies, ayant fui l'Afghanistan lors de l'invasion soviétique de 1979.
Mais nombre de Pakistanais les considèrent avec méfiance, les soupçonnant d'activités terroristes ou criminelles et appellent à les renvoyer dans leur pays.
La Constitution pakistanaise prévoit que toute personne née sur le sol du pays après 1951 puisse obtenir la nationalité. Mais le ressentiment à l'encontre des réfugiés afghans est si fort qu'aucun responsable politique n'a osé à ce jour mettre en oeuvre une telle mesure. La promesse faite par M. Khan en septembre dernier en ce sens est une première.
Les intéressés l'ont accueillie avec allégresse et gratitude. "Que Dieu bénisse Imran Khan", lance Shahzad Alam.
Pour d'autres, elle est au contraire scandaleuse. Certains éditorialistes ont accusé M. Khan d'avoir ouvert "une boîte de Pandore". Les chefs des principaux partis d'opposition se sont déclarés vent debout contre son idée.
Tandis que l'acrimonieux débat se poursuit dans la presse et sur les réseaux sociaux, l'avenir du commerçant afghan reste en suspens.
Rien ne le distingue à première vue d'un Pakistanais du cru: né à Peshawar (Nord-Ouest) de parents afghans, Shahzad Alam y a vécu toute sa vie, parle le pachtou avec l'accent local et s'habille exactement comme les Pakistanais.
Ses efforts pour conquérir le cœur de jeunes femmes se heurtent systématiquement au problème de sa nationalité, se plaint-il. "La relation s'arrête net lorsque nous nous présentons comme Afghans."
Crise humanitaire
Selon des estimations de l'ONU, près des trois quarts des 1,4 millions de réfugiés afghans officiellement répertoriés au Pakistan sont nés sur son sol.
Beaucoup vivent dans des camps de déplacés, tandis que d'autres ont refait leur vie en ville.
Des milliers d'entre eux s'affairent quotidiennement dans les bazars de Peshawar, gérant de petites échoppes regorgeant de fruits, légumes ou objets divers importés de Chine.
"Je me sens comme si j'étais dans mon propre village, dans mon propre pays", relève l'un d'entre eux, Ashiqullah Jan, âgé de 43 ans.
Mais leur statut reste précaire. Les réfugiés se voient régulièrement intimer de quitter le pays passée une certaine date-limite, généralement décalée ensuite par les autorités en raison de la mauvaise situation sécuritaire en Afghanistan.
Nombre d'analystes tablent sur une nouvelle dégradation en 2019 en dépit d'efforts diplomatiques pour relancer les négociations de paix.
En 2016, une vague d'expulsions forcées de déplacés afghans avait donné lieu à des craintes de crise humanitaire.
L'approche d'Imran Khan est résolument différente: "Si vous êtes né en Amérique, vous avez droit à un passeport américain (...) Alors pourquoi pas ici ? Comme c'est cruel pour eux!", s'était-il indigné peu après son arrivée au pouvoir l'été dernier.
Ses adversaires avancent l'argument sécuritaire. Le Pakistan livre depuis des années une lutte sanglante contre les insurgés extrémistes sur son sol, et beaucoup sont originaires d'Afghanistan ou se cachent dans les camps de réfugiés afghans, selon l'armée.
Suite au tollé provoqué par ses propos, M. Khan ne s'est pas rétracté mais il s'est abstenu à ce jour de présenter le projet devant le Parlement.
Pour l'analyste Rahimullah Yusufzai, une mise en œuvre, si elle était confirmée, prendrait quoiqu'il en soit beaucoup de temps.
"Cela ne sera pas facile de leur accorder la nationalité, ou de trouver un consensus sur cette question au Parlement et dans le pays", juge-t-il.
Talibans et bombes
Le Haut Commissariat aux Réfugiés de l'ONU (HCR) s'est pour sa part félicité de l'annonce.
"Il y a tant de jeunes réfugiés afghans nés ici qui ne connaissent que le Pakistan", déclare à l'AFP sa représentante dans le pays, Ruvendrini Menikdiwela.
Mais la plupart des Pakistanais interrogés par l'AFP à Peshawar s'y disent férocement opposés.
Le gouvernement devrait les renvoyer "dès que possible", estime Rehman Gul, 42 ans.
Le réfugié Khayesta Khan fait de son côté valoir qu'il "ne reste rien" en Afghanistan "à part les talibans, Daech (l'Etat islamique) et les bombes".
"Je suis né ici (...). Le Pakistan est mon pays et je ne veux pas le quitter", déclare-t-il à l'AFP.
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