"Nous pouvons faire du moment que traverse la France une chance", a souhaité le président devant les maires rassemblés dans le gymnase de Grand Bourgtheroulde (Eure), la première d'une dizaine de rencontres qu'il mènera dans toute la France, sa réponse politique à la crise des "gilets jaunes".
Après avoir promis en arrivant qu'il n'allait "pas parler longtemps, car l'objectif, c'est surtout de vous entendre", le chef de l'Etat a parlé pendant près de 3h30, répondant en détail à des questions pointues, et finissant par échanger des rires avec son auditoire d'abord méfiant.
Les maires l'ont longuement applaudi debout à la fin de l'échange, vers 22h10, quand il a prôné "une République de la délibération permanente".
"J'ai donné mon avis mais je n'ai fermé aucun sujet", a-t-il déclaré à l'AFP à la sortie. "J'ai beaucoup donné de faits, la réalité. Et j'ai donné un avis. Je dois me découvrir, avec sincérité", a-t-il dit, en promettant que durant ces deux mois ils rencontrerait aussi de simples citoyens.
Sa première sortie en région depuis un mois se déroulait sous haute sécurité. Aux cris de "Macron démission", une centaine de "gilets jaunes" s'étaient rassemblés à Grand Bourgtheroulde après avoir réussi à contourner les barrages. Les forces de l'ordre ont fait deux fois usage de gaz lacrymogènes pour les contenir et interpellé deux hommes.
Pour la première fois, le chef de l'Etat a nommé publiquement les "gilets jaunes", ce qu'il avait évité depuis le début de leur mobilisation il y a deux mois.
"Réagir plus fort"
Cette crise est "une chance" pour "réagir plus fort" et continuer à réformer plus profondément, a-t-il plaidé, en se reprochant de ne pas avoir suffisamment impliqué les Français depuis son élection.
A Grand Bourgtheroulde, Emmanuel Macron a écouté les maires énumérer une longue liste des "doléances" de leurs administrés. "La France est malade. Il y a une grande souffrance", a témoigné l'un d'eux.
Et les élus de citer le pouvoir d'achat, la justice fiscale, le niveau des retraites ou l'affaiblissement des services publics en milieu rural.
"Toutes ces fractures, on les a devant nous, et d'un seul coup, les choses s'effritent", a reconnu le chef de l'Etat, citant son prédécesseur Jacques Chirac et sa fracture sociale.
Courtois mais insistants, les élus ont suggéré plusieurs réformes: baisser la TVA sur les produits de première nécessité, rendre des compétences aux maires, rendre le vote obligatoire... D'autres en ont profité pour protester contre des normes. "Faites confiance aux maires", ont réclamé les élus, dont plusieurs ont vu dans les "gilets jaunes" l'exemple d'un "réveil démocratique".
Tombant la veste, debout au milieu des maires assis en rond autour de lui, Emmanuel Macron a défendu ses réformes, de la suppression de l'ISF à la hausse de la CSG. Et même la fermeture de la maternité de Bernay, un cas qu'il avait visiblement étudié. "Il est fort", commentaient nombre d'élus à la sortie.
Pour les convaincre, le président de la République a mêlé logique, chiffres et formules choc, parfois émaillées d'argot: "Il ne faut pas raconter de craques, c'est pas parce qu'on rétablira l'ISF que les gilets jaunes iront mieux. C'est de la pipe".
Du côté des ouvertures, il a admis qu'il pouvait y avoir des aménagements au décret limitant la vitesse à 80 km/h et qu'il pourrait rendre aux communes la délivrance de la carte d'identité ou de la carte grise. Il s'est dit aussi prêt à réviser la loi NOTRe sur l'organisation des collectivités, bête noire des maires.
Acte II
Le président s'est également dit d'accord pour "donner une place" aux référendums citoyens - l'une des principales revendications des "gilets jaunes" -- mais "pas sur tous les sujets". Le cas du Brexit "nous dit beaucoup sur ces référendums qui paraissent sympathiques".
"Sa majesté Jupiter étant toujours en train de parler en direct et depuis 15h sur toutes les chaînes d'infos du pays, on patiente en plateau sans être certain que le débat ait lieu...", a tweeté avec agacement vers 22 heures Jean-Luc Melenchon, coincé sur le plateau de CNews.
"Je tirerai des solutions véritables de ce débat car je veux en faire un acte II de mon mandat", a-t-il promis en conclusion.
L'enjeu est crucial pour Emmanuel Macron, qui compte reprendre l'initiative après deux mois de crise. Il aura fort à faire pour convaincre des Français méfiants, qui selon un sondage sont seulement 34% à croire que le débat permettra une sortie de crise.
L'opposition a elle critiqué la petite phrase qu'il a prononcé plus tôt devant le conseil municipal de Gagny (Eure), quand il a déclaré vouloir "responsabiliser" les personnes en situation de pauvreté car "il y en a qui font bien" et d'autres "qui déconnent".
"L'année 2019 débute comme elle s'est achevée. Des débats s'ouvrent mais toujours le même mépris pour les Français!", a dénoncé Valérie Soyer (LR). Olivier Faure, le patron du PS, a jugé "insupportable" cette "façon de jeter en pâture les plus faibles".
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