Le ministère chinois des Affaires étrangères a dénoncé les "propos irresponsables" du Premier ministre canadien Justin Trudeau, après ses critiques de la peine capitale prononcée lundi contre Robert Lloyd Schellenberg, 36 ans.
Les relations entre Pékin et Ottawa sont tendues depuis l'arrestation début décembre à Vancouver -- sur demande américaine -- de Meng Wanzhou, la directrice financière et fille du fondateur du géant chinois des télécoms Huawei.
Dans la foulée, la Chine avait arrêté deux Canadiens: un ex-diplomate et un consultant, accusés d'avoir "menacé la sécurité nationale". Des interpellations que nombre d'experts étrangers considèrent comme des mesures de rétorsion.
Le cas de Robert Lloyd Schellenberg, arrêté en 2014, a alors soudainement refait surface. Il avait été condamné en première instance en novembre à 15 ans de prison. Mais fin décembre, le tribunal qui traitait son appel a ordonné un nouveau procès, estimant la peine trop "indulgente".
Ce procès a été organisé lundi à Dalian (nord-est), où les procureurs ont présenté de nouvelles preuves, assurant que M. Schellenberg avait joué un "rôle clé" dans un trafic de drogue qui prévoyait d'expédier 222 kilos de méthamphétamine en Australie.
La rapidité avec laquelle le Canadien a été rejugé et condamné suscite la suspicion parmi les observateurs étrangers.
"En vertu d'une politique de l'otage, la Chine rejuge à la hâte un suspect canadien et le condamne à mort. C'est une tentative assez évidente de forcer le Canada à libérer" Mme Meng, a tweeté Kenneth Roth, le directeur général de l'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch.
Il fera appel
Donald Clarke, un professeur spécialisé dans le droit chinois à l'université George-Washington, parle même de "diplomatie de la menace de mort".
La porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Hua Chunying, a réfuté toute politisation de l'affaire, qualifiant les accusations de "malveillantes".
"C'est très inquiétant que la Chine commence à agir de façon arbitraire pour appliquer la peine de mort, surtout à un Canadien", avait déclaré lundi Justin Trudeau après le jugement.
Mme Hua a appelé M. Trudeau à "respecter la souveraineté judiciaire de la Chine, à corriger ses erreurs et à cesser de tenir des propos irresponsables".
Robert Lloyd Schellenberg s'est dit innocent et victime d'un coup monté. Il prévoit de faire appel, selon son avocat Zhang Dongshuo. "Ce sera probablement vers le milieu de la semaine prochaine", a indiqué ce dernier à l'AFP.
Après le verdict, Ottawa a appelé ses citoyens se rendant en Chine à y faire preuve de "grande prudence" face au "risque d'application arbitraire des lois locales".
En réponse, le ministère chinois des Affaires étrangères a lancé mardi un avertissement à ses propres ressortissants face aux "risques" d'un séjour au Canada, donnant l'exemple de la "détention arbitraire" de la dirigeante de Huawei.
'Grave erreur'
La décision inhabituelle d'accepter trois journalistes étrangers à l'audience "montre de façon claire que le gouvernement chinois veut que les projecteurs internationaux soient braqués sur cette affaire", estime Margaret Lewis, professeur de droit à l'université américaine Seton Hall.
En appel, la juridiction supérieure aura trois options: confirmer la condamnation à mort, prononcer une peine capitale "avec sursis" (qui équivaut à la prison à vie) ou accorder une réduction de peine, explique Mme Lewis.
"Je prévois que la Cour populaire suprême (à laquelle revient le dernier mot en matière de peine de mort, NDLR) ne se prononcera pas tant que le sort de Meng Wanzhou demeurera incertain", estime le professeur Clarke.
Par ailleurs, la situation actuelle des Canadiens arrêtés en Chine en décembre reste inconnue.
Justin Trudeau avait dénoncé la semaine dernière "la détention arbitraire" en Chine de l'ex-diplomate Michael Kovrig et du consultant commercial Michael Spavor.
Meng Wanzhou a été libérée sous caution mais reste sous surveillance à Vancouver, dans l'attente d'une éventuelle extradition vers les États-Unis.
La Chine, qui reproche au Canada de répondre aveuglément à une demande des États-Unis qu'elle considère comme politiquement motivée, a encore appelé mardi Ottawa à libérer la dirigeante et à corriger sa "grave erreur".
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