Au lendemain d'un neuvième samedi de manifestations des "gilets jaunes" marqué par un regain de mobilisation, le chef de l'Etat assure que les propositions des Français "permettront de bâtir un nouveau contrat pour la Nation, de structurer l'action du Gouvernement et du Parlement, mais aussi les positions de la France au niveau européen et international".
"Je vous en rendrai compte directement dans le mois qui suivra la fin du débat", s'engage-t-il.
Il propose une liste d'une trentaine de questions sur les thèmes qu'il avait définis par avance le 10 décembre : fiscalité, modèle social, démocratie, institutions, transition écologique et diversité, immigration, laïcité. Mais assure qu'il n'y aura "pas de questions interdites".
Pourtant il trace plusieurs lignes rouges, en excluant de revenir sur les réformes votées sur la fiscalité sur le patrimoine. En clair, sur la suppression de l'ISF, dont le rétablissement fait pourtant partie des demandes les plus fréquentes apparues dans les cahiers de doléances ouverts dans des milliers de mairies.
Autre point non négociable pour le chef de l'Etat, la remise en cause du droit d'asile. Il n'évoque pas d'autres points que le gouvernement ne veut pas mettre sur la table, comme la peine de mort ou l'IVG.
En revanche, au milieu de questions attendues, comme celle sur la possibilité de compter les votes blancs ou d'une dose de proportionnelle, Emmanuel Macron pose la question de fixer des quotas annuels d'immigration, une mesure qu'il n'a jamais proposée.
Dans le mois qui suivra le 15 mars la fin du grand débat, il donne rendez-vous aux Français pour sa traduction politique. Il ne précise pas comment les propositions des citoyens pourraient devenir réalité, s'abstenant d'évoquer l'idée de référendums multiples, suggérés par des membres du gouvernement.
"Ni une élection, ni un référendum"
Ce débat n'est "ni une élection, ni un référendum", avertit le chef de l'Etat.
Car il représente pour l'exécutif autant un espoir qu'un risque politique, s'il débouche sur des demandes à l'opposé du programme présidentiel ou s'il fait un flop de participation. Ce qui torpillerait la solution politique choisie par le président, très bas dans les sondages.
Le grand débat viendra compléter les mesures sur le pouvoir d'achat d'un total de 10 milliards d'euros (augmentation de 100 euros net pour les salariés autour du Smic, CSG des retraités...) annoncées le 10 décembre par Emmanuel Macron, sous la pression de la rue.
Les "gilets jaunes" ont eux montré leur détermination samedi en défilant plus nombreux - 84.000 dans toute la France contre 50.000 la semaine précédente, selon des chiffres du ministère de l'Intérieur. Dimanche encore, quelque 200 femmes "gilets jaunes" ont défilé à Toulouse, 300 au Mans.
Ce neuvième acte a été marqué par 167 interpellations rien qu'à Paris mais au final moins de violences que redouté par les autorités. "La responsabilité l'a emporté sur la tentation de l'affrontement", a salué le ministre de l'intérieur Christophe Castaner.
La liste de questions posées par le chef de l'Etat a aussitôt été contestée par l'opposition.
"Des questions souvent fermées, orientées, des sujets fondamentaux absents, rien sur l'UE !", a protesté Florian Philippot.
"Pas de question interdite mais pas touche aux mesures économiques et fiscales. Pour le reste les questions énumérées par Emmanuel Macron renseignent sur les décisions qu'il annoncera seul", ironise Eric Coquerel (LFI).
La consultation suscite aussi la méfiance des "gilets jaunes". Samedi à Strasbourg, Jean-Jacques jugeait que "le débat, c'est dans la rue, pas dans une salle ou sur internet". Dimanche, un "congrès fondateur" de quelque 600 "gilets jaunes" des Pyrénées-Orientales pour structurer le mouvement et l'inscrire dans le débat s'est soldé par un échec.
Tous les partis ne sont pas prêts à y contribuer non plus. "C'est un enfumage pour un enterrement" de la contestation, selon Danielle Simonnet (LFI). "Ce n'est pas à la hauteur des enjeux" et l'exécutif cherche à "gagner du temps", critique aussi Wallerand de Saint Just (RN).
A l'inverse, Olivier Faure (PS) souhaite que les socialistes y participent. Les Républicains aussi vont "essayer d'apporter (leur) soutien à cette consultation" car "nous voulons sortir du chaos", a déclaré la porte-parole Laurence Saillet. Mais selon le patron de LR Laurent Wauquiez, le débat "risque d'être un artifice grossier", a-t-il prévenu dimanche dans sa propre lettre aux Français.
Les modalités de cette consultation doivent être précisées lundi par le Premier ministre Édouard Philippe. Le pilotage reste encore à définir, après la défection cette semaine de la présidente de la Commission nationale du débat public, Chantal Jouanno, après une polémique sur sa rémunération.
Un "comité de garants" pourrait être installé, chapeauté par une personnalité comme le Défenseur des droits Jacques Toubon ou le Haut Commissaire à la réforme des retraites Jean-Paul Delevoye.
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Voeux: Macron parle, les "gilets jaunes" veulent se faire entendre
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