L'exécutif se refusait jusqu'à présent à chiffrer les radars endommagés ou détruits pour ne pas encourager ce phénomène qui a explosé depuis le début de la contestation des "gilets jaunes" mi-novembre.
Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a brisé l'omerta jeudi: "Près de 60% des radars ont été neutralisés, attaqués, détruits par celles et ceux qui se revendiquent de ce mouvement", a-t-il déclaré. Soit près de 2.000 des 3.200 radars fixes déployés sur les routes (dont 2.500 pour contrôler la vitesse).
Conséquence de ces dégradations: le nombre d'excès de vitesse a bondi de 20% en décembre, selon la Sécurité routière.
"C'est dramatique. Quand on augmente la vitesse, on augmente le nombre d'accidents. Il s'agit de vies et de morts, de blessures, de handicaps", souligne le délégué interministériel à la Sécurité routière, Emmanuel Barbe.
Bien qu'endommagés, un certain nombre de radars continuent de constater les infractions, sous les yeux des autorités impuissantes. "Un radar comporte deux systèmes couplés: un qui mesure la vitesse et l'autre qui photographie. Sur ces radars (endommagés), la mesure est prise, l'information est envoyée (au centre de traitement, ndlr), mais la photo est voilée ou noire" donc inexploitable pour verbaliser, explique M. Barbe.
Cette recrudescence inquiète, alors que les autorités ont réussi à inverser la tendance à la hausse du nombre de morts enregistrée depuis 2014 (3.684 tués en 2017).
Le bilan de la mortalité routière pour 2018, attendu fin janvier, s'annonce très positif: avec 3.176 morts sur les onze premiers mois de l'année, la France comptait en novembre 193 tués de moins qu'en novembre 2017, ce qui devrait permettre d'atteindre un niveau proche du plus-bas historique de 2013 (3.427 tués).
"Condamnation à mort"
Ces attaques contre les radars -incendiés, tagués, bâchés- entendent notamment dénoncer l'abaissement, depuis le 1er juillet, de la limitation de vitesse à 80 km/h sur certains routes secondaires.
Cette mesure est, selon ses détracteurs, une nouvelle manifestation du "racket" de l'Etat. Pour le gouvernement, elle doit permettre de sauver jusqu'à 400 vies par an.
"Il n'y a pas de politique du chiffre, il y a une politique de la vie", a affirmé Christophe Castaner, qualifiant ceux qui s'en prennent aux radars "d'imbéciles, d'inconscients, d'inconséquents".
"Ces gens condamnent à mort des conducteurs et leurs passagers", accuse la présidente de la Ligue contre la violence routière, Chantal Perrichon, dénonçant une "mise en danger délibérée de la vie d'autrui". "Avec des projections de 180 à 200 morts de moins (pour 2018), on peut d'ores et déjà dire que le 80 km/h a des effets bénéfiques. Mais à cause des destructions, nous n'aurons pas le résultat escompté", déplore-t-elle.
Pour la déléguée générale de l'association Prévention routière, Anne Lavaud, "l'histoire a montré que les radars ont sauvé des vies". "Quand le nombre de radars est limité, la vitesse moyenne augmente. Et la vitesse est un facteur aggravant de tous les accidents", relève-t-elle.
Selon les chiffres officiels, les radars automatiques ont notamment épargné 23.000 vies entre 2003 (date d'installation des premiers appareils) et 2012.
Pour le délégué général de l'association 40 millions d'automobilistes, Pierre Chasseray, cette mesure ne fait au contraire "que mettre dans l'illégalité des automobilistes qui ne sont pas des fous furieux en roulant à 85 ou 90 km/h": "Le 80 km/h n'est pas efficace, ça ne contribue qu'à noircir l'esprit des automobilistes et faire jaunir les gilets".
Les autorités assurent faire le maximum pour réparer et remplacer les radars endommagés ("entre 30.000 et 70.000 euros" selon le type d'engin). "Nous avons mis beaucoup de moyens", affirme Emmanuel Barbe.
Lundi, Christophe Castaner a promis "aucune complaisance" contre les casseurs de radars. Pour l'endommagement d'un appareil, les sanctions peuvent aller jusqu'à 30.000 euros d'amende et deux ans d'emprisonnement. Une destruction est passible de 75.000 euros d'amende et cinq ans de prison.
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