Marchant sur un fil, les six prévenus ont choisi prudemment de lire un texte à la barre, avant de répondre, plus ou moins, aux questions du tribunal et des parties civiles. La procureure, elle, n'en pose pas, l'affaire ayant été classée sans suite par le parquet en 2016.
Depuis, neuf plaignants ont cité à comparaître l'archevêque et cinq anciens membres du diocèse devant le tribunal correctionnel, pour non-dénonciation d'agressions sexuelles commises par un prêtre, Bernard Preynat, sur de jeunes scouts de la région lyonnaise avant 1991.
Lundi, l'ex-directeur de cabinet du cardinal Pierre Durieux a fait valoir son "droit au silence" après une déclaration.
"J'ai préparé une déclaration, après je pense que je me tairai", a annoncé mardi la bénévole du diocèse Régine Maire. En 2014, elle fut la première à rencontrer une victime du père Preynat, Alexandre Hezez.
"C'est tout de même bien malcommode", lui rétorque la présidente du tribunal, Brigitte Vernay, coupant court aux arguments de Me Xavier Vahramian pour justifier l'attitude de sa cliente.
"Je comprends votre effort de politesse et de pédagogie vis-à-vis du tribunal pour lui éviter de penser que l'on cherche à contrôler la parole (...) Madame ne veut pas répondre, c'est son droit. Mais chacun est libre d'en penser ce qu'il veut", a-t-elle lancé à l'avocat.
Et la magistrate, puis les parties civiles, de l'interroger tout de même, jusqu'à provoquer un incident avec la défense et une courte suspension d'audience.
L'obstination de la présidente du tribunal à délier les langues finit par payer mais d'une bouche à l'autre, le discours ne varie guère.
"Endosser le fardeau"
Tous disent avoir été "choqués", "bouleversés", "horrifiés" par les agissements passés du prêtre mais aucun n'a songé à saisir la justice avant qu'un ancien scout porte plainte en 2015. Écarté de ses fonctions ecclésiastiques en septembre 2015 et mis en examen en 2016, le père Preynat pourrait être jugé cette année.
Lundi, Mgr Barbarin a expliqué qu'il ne savait comment procéder avec des faits "anciens" et qu'il avait suivi les consignes du Vatican pour écarter le prêtre tout en évitant le scandale.
Les religieux ignoraient-ils la loi séculaire ? Un évêque avait pourtant été condamné pour des faits similaires en 2001, souligne une avocate des parties civiles, Me Emmanuelle Haziza.
Mme Maire, laïque formée en psychologie et en théologie, recevait au diocèse les personnes "en difficulté avec l'Église". C'est ainsi qu'elle vit Alexandre Hezez en 2014: elle l'invita à porter plainte contre le père Preynat, il lui répondit que les faits étaient prescrits. "Une fin de non-recevoir", à ses yeux.
Me Haziza lui demande "ce qui a primé" ce jour-là, entre psychologie et religion; elle répond avoir manqué de bagage juridique. Dans sa déclaration au tribunal, Mme Maire expliquait pourtant n'avoir jamais pensé à dénoncer elle-même les faits car son interlocuteur était "en position de le faire lui-même" - justification qui semble bien au fait du Code pénal.
Le vicaire épiscopal Xavier Grillon raconte avoir rencontré M. Hezez, puis le père Preynat, en 2015 avant le dépôt de la plainte et n'avoir "jamais voulu, à aucun moment, entraver la marche de la justice".
Même chose pour l'actuel évêque de Nevers Thierry Brac de la Perrière, en poste à Lyon en 2011 quand il rencontra une autre victime, Laurent Duverger. "Je suis accusé d'avoir caché ce que vous m'avez révélé ce jour-là, mais devais-je en parler ? Ce n'est pas ce que j'avais compris", lui dit-il.
"Pourquoi ne pas évoquer la possibilité d'aller en justice ?", poursuit la présidente. "On était sur un autre registre, ça ne m'a même pas traversé l'esprit", répond l'ancien bras droit de Mgr Barbarin.
M. Duverger estime, lui, avoir été "endormi" à l'époque car M. Brac de la Perrière lui aurait dit que le diocèse avait le père Preynat "à l'œil".
"À un moment donné, il va falloir que quelqu'un endosse le fardeau d'avoir maintenu pendant 25 ans un homme dangereux au contact d'enfants", a dit l'ancien scout en marge de l'audience, qui se tient jusqu'à mercredi.
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