Les 20% des Français les plus riches paieront-ils encore la taxe d'habitation sur leur résidence principale à la fin du quinquennat? Seront-ils exemptés de cet impôt, comme les 80% de ménages les moins aisés?
Lors d'un colloque à Bercy consacré à l'économie verte, le ministre des Finances Bruno Le Maire a dit mardi vouloir "clarifier" sa position exprimée dimanche matin, estimant que cette dernière avait été "mal comprise".
"J'ai redit dimanche qu'il fallait aller au bout de la suppression de la taxe d'habitation. Aller au bout de la suppression de la taxe d'habitation cela veut dire aller au bout de la suppression de la taxe d'habitation", a déclaré le ministre, évoquant un impôt "injuste".
"Cela n'interdit pas que ce sujet fasse partie du débat que nous aurons sur la fiscalité. Nous n'allons pas décider à l'avance de son issue", a ajouté sur twitter le locataire de Bercy.
Invité du "Grand Rendez-Vous" Europe 1-CNews-Les Echos, M. Le Maire avait pourtant laissé entendre dimanche que l'exécutif pourrait revoir sa copie si une demande en ce sens venait à être formulée dans le cadre du débat national lancé en réponse au mouvement des gilets jaunes.
"Si nous répondons non à chaque demande des Français, que nous ne sommes pas capables d'écouter la demande de justice, nous ne réussirons pas le grand débat, qui doit s'ouvrir dans les prochaines semaines", avait-il expliqué.
Cette position avait été appuyée lundi par plusieurs membres du gouvernement. "Certains ont de gros revenus et de grosses habitations. Peut-être qu'on pourrait imaginer qu'il ne serait pas juste de les exclure", avait ainsi convenu le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin.
La possibilité de maintenir la taxe d'habitation pour les Français les plus aisés "est sur la table", avait indiqué de son côté le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux, rappelant que la promesse initiale de la majorité était de "la supprimer pour 80% des ménages".
casse-tête
Durant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait promis de supprimer la taxe d'habitation pour 80% des ménages, à raison de trois tranches successives entre 2018 et 2020, pour un coût total de près de dix milliards d'euros.
Mais pour éviter de voir sa réforme retoquée par le Conseil constitutionnel, attaché au principe d'"égalité devant l'impôt", le chef de l'Etat a finalement annoncé l'extension de cette mesure à l'ensemble des Français, pour un coût supplémentaire de sept milliards d'euros.
"Si la taxe d'habitation n'est pas un bon impôt pour 80% des Français, il y a peu de chances qu'elle le soit pour les 20% restants", avait-il justifié, en annonçant une refonte de la fiscalité locale pour compenser le manque à gagner pour les collectivités locales.
Mais le mouvement des "gilets jaunes", en relançant le débat sur la politique fiscale du gouvernement, jugée trop favorable aux plus aisés, est venu perturber la stratégie de Bercy, confronté à un véritable casse-tête.
"A l'origine, la suppression de la taxe d'habitation était ciblée sur les classes moyennes. Mais avec l'extension de la réforme, les principaux bénéficiaires seront les Français les plus aisés", rappelle Mathieu Plane, économiste à l'OFCE.
Autre problème: la contrainte budgétaire née des annonces faites face au mouvement des gilets jaunes, à commencer par l'abandon de la hausse de la taxe carbone, censée rapporter quatre milliards d'euros en 2019 et 10 milliards d'euros par an en fin de quinquennat.
"Il y a un vrai problème budgétaire, qui va obliger le gouvernement à trouver des solutions" pour respecter ses objectifs de déficit public, rappelle M. Plane. Et cela d'autant plus "que la croissance est plus faible qu'attendu", rappelle M. Plane.
Mais revenir sur les promesses du chef de l'Etat vis-à-vis des 20% de Français les plus aisés est délicat. D'autant que ces derniers -- fortement mis à contribution par la politique fiscale de l'exécutif depuis 2008, selon l'OFCE -- constituent "en partie l'électorat" de la majorité, souligne le chercheur.
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