Avec lui, cinq anciens membres du diocèse, dont l'archevêque d'Auch et l'évêque de Nevers, sont convoqués devant le tribunal correctionnel jusqu'à mercredi pour ne pas avoir dénoncé des agressions sexuelles commises sur de jeunes scouts avant 1991.
Un procès très attendu pour une affaire retentissante qui a inspiré le prochain film de François Ozon, dont le titre - "Grâce à Dieu" - renvoie à une formule polémique de Mgr Barbarin sur la prescription des faits.
Le prélat de 68 ans, en poste à Lyon depuis 2002, incarne en France la crise d'une Église confrontée partout aux déviances des uns et aux silences des autres - que le pape François appelle à rompre tout en soutenant le primat des Gaules quand d'autres réclament sa démission.
Le scandale lyonnais a éclaté en 2015 avec la mise en cause du père Bernard Preynat pour des abus commis un quart de siècle plus tôt. Parce qu'il était au courant de ces agissements anciens, des victimes ont aussi porté plainte contre Mgr Barbarin, estimant qu'il aurait dû lui-même dénoncer le prêtre à la justice.
Après six mois d'enquête et dix heures d'interrogatoire du cardinal par la police, le parquet de Lyon a classé l'affaire sans suite à l'été 2016.
Mais des plaignants ont lancé depuis une procédure de citation directe devant le tribunal. "On espère arriver cette fois à une décision qui sera claire et évidente pour tout le monde", affirme l'un d'eux, François Devaux, cofondateur de l'association la Parole libérée, à l'origine des révélations.
La défense, de son côté, crie à l'acharnement et compte sur le procès pour "rétablir un certain nombre de vérités car on ne répare pas une injustice par une autre", prévient un avocat du cardinal, Me Jean-Félix Luciani.
"Tous ont su"
Outre Philippe Barbarin, Maurice Gardès et Thierry Brac de la Perrière, comparaissent l'ancienne responsable d'une cellule d'écoute des victimes de prêtres, ainsi que l'ex-directeur de cabinet du cardinal et un vicaire épiscopal qui fut le supérieur du père Preynat.
Le cardinal espagnol Luis Ladaria Ferrer, préfet de la Congrégation de la Foi à Rome, était aussi poursuivi mais le Vatican a opposé son immunité. Les plaignants l'accusaient de complicité - consulté par Mgr Barbarin sur le cas du prêtre en 2015, il conseilla de l'écarter discrètement - dans le cadre d'une omerta institutionnelle: "tous ont su et n'ont pas dénoncé".
En 2016, le parquet avait renoncé aux poursuites en distinguant deux périodes, avant et après 2014. Dans les années 2000, l'archevêque de Lyon avait eu connaissance, par un tiers, des agissements du prêtre: le procureur a conclu à la prescription du délit de non-dénonciation, considéré comme "instantané".
Fin 2014, le prélat rencontra cette fois une victime: le parquet a exclu chez lui toute volonté d'entraver à la justice, l'ancien scout venu le voir pouvant porter plainte - ce qu'il fit au final.
Les neuf plaignants contestent aujourd'hui cette analyse: pour eux, l'obligation de dénoncer des agressions perdure tant que celles-ci demeurent inconnues de la justice.
Une modification du Code pénal introduite dernièrement par la loi Schiappa, touchant à la "continuité" du délit reproché aux prévenus, et la condamnation récente de l'ancien évêque d'Orléans, dans un dossier similaire, les confortent avant l'audience mais pour la défense, rien n'a changé depuis la décision de 2016.
Au plus fort du scandale, Mgr Barbarin a reconnu des erreurs et demandé pardon aux victimes de prêtres. A l'approche du procès, il semble se défausser sur les consignes reçues du Vatican en 2015. "J'ai mis en œuvre ce qui m'avait été dit par Rome, après tout le monde est tombé sur moi", a-t-il déclaré en marge de la dernière assemblée des évêques à Lourdes, interrogé par Radio Notre-Dame.
Et le primat des Gaules d'ajouter qu'il n'a "jamais vécu d'aussi près la dernière +Béatitude+, quand Jésus dit: heureux serez-vous quand on vous insultera, lorsqu'on dira faussement toute sorte de mal contre vous..."
"Car votre récompense sera grande dans les cieux", promet ce texte de l'Evangile selon Matthieu.
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