Curieuse ambiance à Kinshasa vendredi. Une sorte de trêve est observée dans le pays en ce jour férié à la mémoire des "martyrs de l'indépendance" du 4 janvier 1959. Mais les autorités ont annoncé le report de la rentrée universitaire craignant que "le camp mécontent (ne veuille) utiliser les étudiants" au moment des résultats.
Cinq jours après les élections présidentielle, législatives et provinciales du 30 décembre, la crise politique congolaise inquiète bien au-delà des frontières du pays alors que depuis dimanche les autorités ont suspendu l'accès à internet, aux SMS, à la radio RFI et que la Commission électorale (Ceni) a envisagé de reporter l'annonce des résultats officiellement en raison de la lenteur du processus de dépouillement.
Une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU a été convoquée pour ce vendredi 20H00 GMT à New York à la demande de la France, le pays qui prend l'initiative des résolutions sur la paix et la stabilité en RDC.
A Genève, le Haut-Commissariat aux droits de l'Homme a déjà mis en garde contre les conséquences de "l''intimidation et (du) harcèlement à l'encontre des journalistes, des candidats de l'opposition et des défenseurs des droits de l'Homme".
Souvent considérée comme le "syndicat des chefs d'Etat africain" qui défend les intérêts des pouvoirs en place, l'Union africaine a estimé vendredi que "le respect des résultats de l'élection est crucial".
"Ceux qui sapent le processus électoral, menacent la paix, la sécurité ou la stabilité de la RDC, ou bénéficient de la corruption, risquent de ne plus être les bienvenus aux Etats-Unis ou d'être interdits d'accès au système financier américain", a prévenu le département d'Etat.
Intimidation et harcèlement
La RDC n'a jamais connu de transmission pacifique du pouvoir depuis son indépendance le 30 juin 1960, 18 mois à peine après les émeutes du 4 janvier 1959 étouffées dans le sang par le colonisateur belge. Joseph Kabila, au pouvoir depuis l'assassinat de son père en 2001, avait élu en 2006 et réélu en 2011 dans la contestation.
Pour ce scrutin, trois candidats sont en course pour la succession du président Kabila - qui selon la Constitution ne peut effectuer plus de deux mandats d'affilée: son "dauphin" désigné l'ex-ministre de l'Intérieur Emmanuel Ramazani Shadary et les deux opposants Martin Fayulu et Félix Tshisekedi.
Inquiète de la dégradation de la situation qui risque de dégénérer, l'Eglise catholique a lancé une phrase lourde de sens politique jeudi en affirmant connaître le nom du successeur de Joseph Kabila.
La Conférence épiscopale de RDC (Cenco) "constate que les données à sa disposition issues des procès verbaux des bureaux de vote consacre le choix d'un candidat comme président de la République", a déclaré son porte-parole et secrétaire général l'abbé Donatien Nsholé en présentant le rapport préliminaire des observateurs catholiques.
Il n'a pas donné le nom du vainqueur, pour ne pas tomber sous le coup de la loi qui réserve à la commission électorale la primeur de l'annonce des résultats, mais a invité la Céni à "publier en toute responsabilité les résultats des élections dans le respect de la vérité et de la justice".
Les mots ne sont pas choisis au hasard. "Les résultats proclamés par la Commission électorale ne sont conformes ni à la vérité ni à la justice", avait déjà déclaré en décembre 2011 l'ex-archevêque de Kinshasa, Laurent Monsengwo, lors de la réélection contestée du président Kabila.
Par cette allusion, la Conférence laisse entendre qu'elle est en mesure d'annoncer ses propres résultats, quitte à contredire la commission électorale.
Habituellement en RDC et en Afrique centrale, les commissions électorales n'ont aucun problème pour annoncer la réélection du président sortant ou du candidat du pouvoir, soutenues par le gouvernement, le parti au pouvoir, les médias d'Etat et les puissants appareils sécuritaires (police, armée, douanes, renseignements).
La Céni affirme n'avoir centralisé que 20% des résultats en provenance des 73.000 bureaux de vote.
Le porte-parole du candidat du pouvoir Serge Kadima s'est montré confiant: les remontées des "témoins sur l'ensemble" du pays "nous rassurent de notre victoire", a assuré Serge Kadima.
"La Céni ne doit pas tripoter le calendrier", a prévenu un membre de la coalition Cap pour le changement autour de l'opposant Tshisekedi. "Tout le monde croit que le temps que l'on se donne c'est pour tricher. Les résultats risquent de ne pas être crédibles."
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