Alors que le plus grand pays sub-saharien est privé d'internet depuis mardi, les observateurs congolais doivent commencer à dire si le vote a été "libre, crédible, transparent, apaisé, équitable" pour la succession du président sortant Joseph Kabila.
La Conférence des évêques (Cenco) et l'ONG Symocel présentent les premières conclusions du travail de leur milliers d'observateurs déployés dans les bureaux de vote aux quatre coins du géant instable de l'Afrique (2,3 millions de km2, neuf frontières).
"L'Afrique a les regards braqués sur vous. Faites en sorte que nous ne soyons pas déçus", a lancé mercredi soir le président de la mission d'observation de l'Union africaine (UA) aux quatre principaux protagonistes de la crise congolaise.
L'ancien président malien par intérim, Diacounda Traoré, a mis autour de la table les deux candidats de l'opposition divisée, Félix Tshisekedi et Martin Fayulu, un représentant du candidat du pouvoir Emmanuel Ramazani Shadary, et le président de la Commission électorale, Corneille Nangaa.
"Nous les avons mis face à leur responsabilité", a ajouté M. Traoré, sur fond de risques de violences à l'annonce des résultats provisoires.
"Nous avons parlé des problèmes africains et nous avons trouvé des solutions africaines. Lesquelles? C'est que la démocratie africaine connaisse un vrai bond en avant", a-t-il ajouté.
Volonté des électeurs
Son message s'adresse en priorité à la Commission électorale nationale indépendante (Céni), qui a le monopole de la proclamation des résultats et de leur "compilation" (centralisation) préalable.
Lors des élections contestées de 2011, des ONG avaient dénoncé des fraudes dès le stade des "centres locaux de compilation des résultats".
Il faut que les résultats qui seront proclamés "soient conformes à la volonté des électeurs", a répété deux fois M. Traoré mercredi.
L'émissaire de l'Union africaine, institution souvent qualifiée de "syndicat" des pouvoirs en place sur le continent, sous-entend donc que les résultats pourraient ne pas refléter "la vérité des urnes", comme le dit déjà l'opposition.
Ces résultats doivent être proclamés "au plus tard" dimanche, avait déclaré la Céni mardi. Un haut-responsable de la Céni laisse entendre qu'un report de l'annonce est possible.
L'élection présidentielle doit désigner le successeur du président Joseph Kabila au pouvoir depuis janvier 2001 après l'assassinat de son père Laurent-Désiré, qui avait lui-même renversé le maréchal Mobutu en mai 1997.
C'est la première fois qu'un dirigeant congolais se retire sous la contrainte de la Constitution dans ce pays où l'un des enjeux de l'exercice du pouvoir est le contrôle et la répartition des richesses minérales (cobalt, coltan, cuivre, diamant, or...).
Souvent avide de changement, le peuple congolais, dont une majorité vit dans la pauvreté, attend la proclamation provisoire privé d'accès internet et d'une de ses principales sources d'information, Radio France Internationale (RFI).
L'accès aux réseaux sociaux et le signal de RFI ont été coupés à la demande des autorités dans tout le pays. L'accréditation de la correspondante de RFI a également été retirée.
Visée à travers sa radio publique très écoutée en RDC et en Afrique, la France n'a pour l'instant pas réagi. Paris est aussi en première ligne sur le dossier congolais aux Nations unies où elle rédige les avant-projets de résolution au Conseil de sécurité.
Les Etats-Unis n'ont pas non plus réagi, à l'exception du président du comité des Affaires étrangères au Congrès.
"Les élections retardées d'hier n'étaient ni libres ni équitables (...) Rien de tout cela n'est une surprise (...) Les États-Unis doivent redoubler d'efforts pour soutenir le peuple congolais, qui souhaite une transition pacifique et un gouvernement qui réponde à ses priorités", a écrit le républicain Ed Royce.
L'ambassadeur du Royaume Uni à Kinshasa a réagi à sa manière, en invitant les Congolais à écouter la BBC pendant la coupure du signal de RFI.
"Non" la coupure de RFI n'est pas une bonne chose pour la BBC", a cependant assuré l'ambassadeur John Murton.
"Il faut protéger la capacité et les droits des médias comme nous l'avons souligné dans notre déclaration récente", a-t-il ajouté en référence à un communiqué conjoint le 1er janvier signé par Londres, Paris, Washington, l'Union européenne, le Canada, la Belgique, les Pays-Bas, la Suisse et la Suède.
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