Ce gouvernement resserré nommé par un président d'extrême droite qui veut rompre avec l'ordre établi devrait se mettre vite au travail pour faire prendre à la première puissance latino-américaine un virage qui s'annonce brutal tant sur le plan économique que diplomatique et sociétal.
"Jair Bolsonaro a été appelé par Dieu et choisi par le peuple brésilien, qui vivait dans la peur", a affirmé Onyx Lorenzoni, ministre de la Maison Civile -- à mi-chemin entre Premier ministre et chef de cabinet -- au début des cérémonies protocolaires à Brasilia.
Mercredi entrent en fonctions notamment les poids lourds de ce gouvernement de 22 ministres, parmi lesquels sept militaires à la retraite, seulement deux femmes et aucun noir.
Il s'agit du ministre ultra-libéral de l'Economie avec un portefeuille très élargi Paulo Guedes, de celui des Affaires étrangères Ernesto Araujo et du ministre de la Justice, l'ex-juge anticorruption Sergio Moro, figure emblématique de l'enquête anticorruption "Lavage express".
Dans ces deux discours d'investiture à Brasilia mardi, l'un devant le Congrès et l'autre, moins protocolaire, devant ses partisans, Jair Bolsonaro a lancé, sans surprise, une croisade contre la corruption, la violence et l'idéologie de gauche tout en réaffirmant les valeurs "judéo-chrétiennes".
C'est sur ce programme que 55% des électeurs ont élu en octobre l'ancien capitaine de l'armée. Et aujourd'hui 75% des Brésiliens disent que les mesures qu'il a déjà annoncées "vont dans la bonne direction".
Mais Jair Bolsonaro "a parlé mardi à sa base, à ses électeurs", seulement, sans mentionner les réformes économiques -- notamment l'épineuse refonte des retraites -- réclamées par les marchés qui lui ont apporté leur soutien, dit à l'AFP Thiago Vidal, analyste chez les consultants Prospectiva.
Même son de cloche chez l'éditorialiste du quotidien économique Valor, Cristian Klein, pour qui "il aurait été difficile" que les déclarations de Bolsonaro sur l'économie "soient plus vagues".
Il sera pourtant attendu très vite sur ces questions, par les marchés notamment.
"Carcan idéologique"
Dès le soir de son investiture mardi, Jair Bolsonaro a pris un premier décret augmentant le salaire mensuel minimum à 998 réais (225 euros), sans toutefois aller au-delà de la barre des 1.000 réais, un signe de l'austérité qui s'annonce pour un Etat appelé à se serrer la ceinture.
Autre mesure adoptée dès mardi, potentiellement très conflictuelle, la question de la démarcation des terres indigènes -- que Jair Bolsonaro a jugées "surdimensionnées" -- est passée sous la tutelle du ministère de l'Agriculture, dirigée par une représentante du puissant lobby de l'agronégoce, Tereza Cristina da Costa.
Deux rencontres diplomatiques importantes sont également prévues mercredi, entre M. Bolsonaro et son ministre des Affaires étrangères et le Secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo.
L'admiration de Jair Bolsonaro pour le président américain Donald Trump le pousse à un grand mimétisme, à la fois dans ses orientations politiques et son style. Il devrait se rendre aux Etats-Unis dans les tout premiers mois de son mandat.
M. Bolsonaro a eu l'honneur d'un tweet de félicitations de son homolgue américain pour "son super discours d'investiture".
Les cérémonies de mardi se sont déroulées en grande pompe devant une dizaine de chefs d'Etat et quelque 110.000 Brésiliens, sans accroc ni surprise, hormis le discours de la première Dame, Michelle Bolsonaro, avant même celui du nouveau président, en langage des signes.
Pour Cristian Klein les discours de Bolsonaro ne comportaient pas les mots de "inégalités", ou "développement" traditionnels dans ces circonstances, alors qu'abondaient les références au "carcan idéologique".
Un "Conseil de gouvernement" se réunira désormais tous les mardis en présence de Jair Bolsonaro et de son vice-président, le général en retraite Hamilton Mourao. La communication officielle sera maîtrisée après les nombreux couacs de la période de transition où M. Bolsonaro avait dû recadrer ses futurs ministres.
Un stricte code de conduite a aussi été édicté pour éviter les risques de népotisme alors que la corruption a totalement décrédibilisé les précédents gouvernements brésiliens, de gauche et de centre droit.
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