Dans la forme comme sur le fond, le chef de l'Etat, debout, sans pupitre, parlant avec les mains, est apparu offensif, loin de l'acte de contrition du 10 décembre où il avait concédé avoir pu "blesser certains" Français par ses déclarations jugées parfois provocantes, du "pognon de dingue" des aides sociales aux "Gaulois réfractaires".
Emmanuel Macron a appelé lundi à "l'unité retrouvée" des Français après un mois et demi de manifestations des "gilets jaunes", et confirmé qu'il entendait lancer en 2019 les réformes de l'assurance-chômage, des retraites et de la fonction publique.
"Il a essayé de renouer avec les Français au travers d'un message d'un réformateur ferme dans sa volonté de poursuivre ses réformes", en se fondant, "comme pendant sa campagne", sur "les atouts de la France", décrypte auprès de l'AFP Stéphane Rozès, président du cabinet Cap (Conseils, analyses et perspectives).
"Je suis au travail (...) je crois en nous", a déclaré le chef de l'Etat à la fin de son allocution. "Façon de dire qu'il n'en n'a pas fini avec les réformes", le "message principal" de son allocution, abonde Gaspard Gantzer, ancien conseiller de François Hollande et proche d'Emmanuel Macron.
Car après le mea culpa précédent, s'il "n'avance pas, il risque de tomber, comme une bicyclette sur laquelle on ne pédalerait plus", a résumé M. Gantzer sur franceinfo mardi.
Ce message sera-t-il toutefois entendu, et permettra-t-il au président de rebondir après plusieurs mois calamiteux, entre crise des "gilets jaunes", démissions de ministres de premier plan et secousses de l'affaire Benalla ?
Légitimité de l'exécutif
Selon un sondage OpinionWay pour LCI réalisé après l'allocution et publié mardi, six Français sur dix n'ont pas jugé Emmanuel Macron convaincant - contre 40% pensant le contraire.
Les "gilets jaunes" interrogés lundi soir par l'AFP semblaient camper sur leurs positions, l'un d'eux, Rabah, 52 ans, chef d'équipe dans le bâtiment à Bordeaux, disant avoir "entendu que rien n'allait changer", et prédisant que "les gens vont continuer de plus belle".
Après l'annonce de 10 milliards d'euros de mesures sociales promis pour tenter de répondre aux manifestants le 10 décembre, le chef de l'Etat n'a fait aucune annonce sonnante et trébuchante lundi, et certains ont vu dans sa parole une "droitisation" avec sa défense de "l'ordre républicain" et sa dénonciation des "porte-voix d'une foule haineuse".
Dans l'opposition, les critiques ont fusé.
La porte-parole des Républicains Laurence Sailliet a critiqué mardi sur Europe 1 un président toujours "totalement dans le déni", tandis que le chef de file de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon l'exhortait sur Twitter au "partage des richesses".
A l'aube de 2019, le Rassemblement national a appelé les Français "à se préparer à une année de résistance et de combat", et le patron de Debout la France, Nicolas Dupont-Aignan, a vu dans les élections européennes de mai l'occasion pour les Français de jouer "les arbitres".
A l'inverse, Stanislas Guerini, délégué général du parti présidentiel La République en marche (LREM), a vu un président de la République "debout, offensif, qui croit dans notre pays, tel qu'il est, avec ses forces et ses faiblesses", tandis que le ministre de l'Economie Bruno Le Maire saluait une "intervention lucide et courageuse".
Le chef de l'Etat, qui entend aller à la rencontre des maires, a annoncé qu'il allait écrire aux Français "dans quelques jours" pour préciser les contours du grand "débat national" voulu par l'exécutif pour répondre aux revendications des "gilets jaunes", et qui sera lancé en début d'année.
Un rendez-vous qui, s'il s'avère être "un vrai lieu de relégitimation de l'exécutif", permettrait de poursuivre effectivement les réformes, estime Stéphane Rozès.
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